Le bac à la carte

À peine connus les résultats de la cuvée 2017 du baccalauréat que le gouvernement annonce l’éventualité d’une énième réforme de l’examen phare du système éducatif français. Comme ses 33 prédécesseurs à ce poste sous la 5e République, Jean-Michel Blanquer rêve de laisser son nom à une réforme de l’éducation nationale. Et quoi de plus emblématique que de s’attaquer au sacro-saint « bac », qui symbolise l’aboutissement de la scolarité secondaire et donne accès à l’enseignement supérieur ?

Pourquoi faudrait-il changer une formule qui, bon an mal an, permet à 88 % environ des élèves de terminale de décrocher leur diplôme ? Pour certains, justement parce qu’il n’est pas suffisamment sélectif. Presque tout le monde l’obtient, seule son absence constitue un handicap sur le marché du travail. Mais aussi et surtout parce qu’il coûte cher et désorganise la fin d’année scolaire pour l’ensemble des établissements concernés. L’idée du nouveau gouvernement est presque aussi ancienne que l’examen lui-même. Il s’agit de remplacer une partie des épreuves par un contrôle continu des connaissances pratiqué par l’établissement où sont scolarisés les candidats. À première vue, c’est séduisant. Cela parait plus juste et met à l’abri d’un « accident » les bons élèves, en éliminant les facteurs de risque liés au sujet, ou au stress de l’examen.

Il faut cependant se méfier des effets secondaires qu’engendrerait une pratique généralisée de cette méthode. Les lycées sont déjà mis en concurrence les uns avec les autres par le biais des classements publiés dans la presse, ou la réputation parfois usurpée d’une réussite exceptionnelle à l’examen. On constate par exemple une flambée de l’immobilier dans le périmètre de la carte scolaire de certains établissements. Ou bien l’engouement inexpliqué pour certaines options rares qui ne sont pratiquées que dans des établissements réputés. Sans oublier la première des concurrences, celle des établissements privés, soumis à la rentabilité économique, et qui pourraient être tentés de maximiser leur taux de réussite pour attirer les « clients ». À l’inverse, des établissements élitistes risquent de noter très sévèrement leurs élèves pour démontrer l’excellence des plus méritants d’entre eux. À terme, c’est l’universalité du diplôme qui est menacée. Il ne suffira pas de présenter son parchemin, encadré ou non, mais il faudra préciser où on l’a obtenu. La suite logique est déjà en marche, avec une réforme attendue des filières de l’enseignement supérieur, pour instaurer une forme de sélection qui éviterait les fameux tirages au sort. Cette tendance lourde a du moins le mérite de la clarté. Le président croit au chacun pour soi, et comme disait Coluche, pour celui qui sera petit, noir et moche, ce sera très dur !