Le boulet

En France, nous connaissons Gaston Lagaffe, cet éternel adolescent boutonneux imaginé par Franquin, dont la philosophie de vie se résume à son célèbre « m’enfin ! ». Aux États-Unis, c’est l’actuel président, Joe Biden, qui joue un rôle un peu similaire en accumulant les bourdes, celles-là mêmes qui ont conduit le parti démocrate à le « débrancher » en juillet dernier au profit de sa vice-présidente, Kamala Harris. Sa dernière sortie pourrait causer un dommage irréparable à la candidature Harris, à moins d’une semaine du scrutin. Tout est venu d’une « plaisanterie » de très mauvais goût d’un humoriste pendant un meeting de soutien à Donald Trump, qui comparait Porto Rico à « une île flottante d’ordures ».

Le propos était aussitôt dénoncé très maladroitement par Joe Biden, qui retournait l’insulte sur les partisans de Trump, franchissant un tabou absolu en dénigrant une partie des électeurs, ce que les Républicains n’ont pas manqué de relever, et les Démocrates eux-mêmes de déplorer. En évoquant l’incident, une journaliste américaine qui soutient Kamala Harris, se serait écriée, hors micro, « mais qu’il la ferme ! » exprimant ainsi le sentiment d’une grande partie des Démocrates que le Président encore en fonction est devenu un handicap dans la course à la Maison-Blanche. Cet épisode illustre bien le profond déséquilibre entre les deux candidats. Donald Trump peut se permettre de porter des coups bas, d’utiliser un langage ordurier, de vilipender son adversaire, la traiter de tous les noms, cela ne change rien à son image, qui est déjà connue des Américains, qu’ils l’approuvent ou non. À l’inverse, si les Démocrates utilisent le même type d’arguments, le clan Trump en profite pour se victimiser et protester, la main sur le cœur, de son attachement à la démocratie, aux valeurs patriotiques, etc.

Ces revirements anecdotiques pourraient se révéler dévastateurs en raison du mode de scrutin, un suffrage certes universel, mais indirect, qui permet à un candidat minoritaire en votes populaires d’être désigné par les grands électeurs, grâce au système du « gagnant qui ramasse tout » qui favorise certains états clés. La différence peut se faire sur quelques milliers de voix seulement, et les résultats seront contestés de part et d’autre à moins d’une différence très importante dans les écarts constatés. Les avocats de Donald Trump sont déjà prêts. Soit le candidat Républicain est largement élu, soit ce serait le signe indiscutable d’une fraude massive de son adversaire. Les risques de manifestations violentes, comparables à l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021, sont donc réels, dans la mesure où Trump ne reconnaîtra probablement pas sa défaite, même si elle est évidente. D’ici là, Kamala Harris a tout intérêt à prendre ses distances avec Joe Biden, en espérant qu’il s’exprime le moins possible.