Noyer son chien

Cela fait longtemps que le torchon brûle entre le gouvernement israélien et l’Organisation des Nations Unies, ce qui vouait à l’échec les tentatives de rapprocher les points de vue sur la mise en place d’une aide humanitaire pour les populations civiles dans les territoires occupés. L’ONU est représentée dans la région par l’UNRWA, une agence chargée de la distribution des vivres et des médicaments à l’usage des réfugiés palestiniens, et qui a déjà bien du mal à exercer sa mission pendant ces périodes de bombardements intenses et de déplacements de population. Depuis un an, l’UNRWA était accusée de protéger les membres du Hamas, et même d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre 2023.

Israël a franchi une nouvelle étape en adoptant deux textes à la Knesset, la chambre des députés, à une très large majorité, visant à interdire les activités de l’UNRWA en Israël et empêcher les responsables israéliens d’y participer. Le résultat concret de ces deux lois, si elles sont confirmées, sera de couper les vivres à l’ensemble des populations palestiniennes, qui ne pourra plus acheminer des convois humanitaires déjà très insuffisants. Le gouvernement israélien a accusé l’UNRWA d’avoir participé aux attentats terroristes. Une enquête a effectivement mis en cause 9 membres du personnel qui ont été licenciés. Les lois prévues seraient une punition collective pour un peuple très éprouvé, soumis à des bombardements meurtriers journaliers, pour sanctionner les actes de quelques personnes parmi les 30 000 employés de l’agence.

Toute la stratégie de Netanyahou a consisté à reporter la question des otages israéliens en utilisant l’image de la forteresse assiégée, sur laquelle Israël a fondé sa légitimité. Et il faut reconnaître que cela a marché. Bien que contestant la personne du Premier ministre et sa façon de mener la guerre, les opposants sont plus ou moins rentrés dans le rang, et ils soutiennent toutes les actions menées par leur armée, quelles qu’en soient les conséquences humanitaires. Benyamin Netanyahou profite à plein de la campagne électorale américaine dans laquelle aucun des deux candidats ne peut prendre le risque d’apparaître frileux dans son soutien à Israël. Après avoir accusé l’UNRWA de la rage que serait le soutien au Hamas, le Premier ministre aimerait noyer l’ONU en snobant son Secrétaire général et en réfutant toute résolution qui n’irait pas dans son sens. Nous n’avons jamais été aussi loin d’une solution négociée pour rétablir un semblant de paix dans la région. L’armée israélienne pratique la politique de la terre brûlée à Gaza et en Cisjordanie, voire au sud du Liban pour tenter d’éradiquer le Hezbollah soutenu par l’Iran, qu’il menace de représailles apocalyptiques s’il s’avise de répliquer. À côté de ces champs de bataille, on en oublierait presque le fait accompli de l’extension constante des colonies de peuplement, qui ne pourront déboucher que sur une annexion pure et simple.