Des 200 familles aux 147 milliardaires

Les discussions budgétaires auront eu le mérite de faire tomber un certain nombre de masques et de faire ressortir un clivage que certains tentaient de considérer comme dépassé entre la gauche et la droite, au nom d’un supposé « bloc central », qui ne réunit guère que des contradictions. Ce sont les soutiens d’un gouvernement formé de bric et de broc qui sont les plus empressés à déposer des amendements visant à détricoter le projet présenté par Michel Barnier. L’examen de la partie recettes, comme prévu, n’a donc pas pu se dérouler en totalité à l’Assemblée nationale.

Les débats ont repris avec l’examen du budget de la Sécurité sociale. L’occasion pour le ministre de la Fonction publique de ressortir de son chapeau une vieille lune en désignant à la vindicte populaire une source de dépenses manifestement abusives selon lui, le privilège « exorbitant » (je cite le sympathique maire de Béziers, monsieur Robert Ménard) de bénéficier d’un seul jour de carence pour les fonctionnaires, contre trois dans le secteur privé en cas d’arrêt maladie. Et la droite d’applaudir, en feignant de défendre un principe d’égalité entre les citoyens. Alors que les inégalités, les vraies, avec des disparités énormes de salaire et de conditions de travail, n’ont cessé de se creuser. Et la seule différence qui choque ces beaux esprits serait l’avantage de ne pas perdre des journées de salaire lors d’un arrêt de travail ?

Pendant l’entre-deux-guerres, on parlait des 200 familles qui détenaient le pouvoir, par allusion aux 200 plus gros actionnaires de la Banque de France, qui en composaient l’assemblée générale et étaient réputés faire la pluie et le beau temps. On dénombre actuellement en France 147 milliardaires, un peu moins, donc, ce qui reflète surtout la concentration de la richesse dans notre pays, alors que par ailleurs beaucoup se retrouvent sous le seuil de pauvreté. À eux seuls, ces milliardaires pourraient subvenir à 25 % du budget moyennant une taxe modérée sur les milliards au-dessus de 2, qui permettent déjà un train de vie plus que confortable. Et l’on voudrait nous faire croire que les privilégiés seraient les fonctionnaires, sans distinction de catégories ? Ou encore, les retraités, là aussi, quel que soit le niveau de leur pension ? Il est très facile de monter les catégories sociales les unes contre les autres, plutôt que de tenter d’aligner les statuts par le haut. Les salaires féminins continuent d’être inférieurs de 20 % en moyenne à celui des hommes, ce qui est effectivement scandaleux. Les technocrates qui nous gouvernent n’ont cependant pas osé jusqu’ici proposer une réduction des salaires masculins pour établir une certaine parité, et c’est heureux.