68 millions d’influenceurs

Au bas mot, et seulement pour la France. Un jeune homme de 28 ans, qui se fait appeler Sensei des mots, probablement en référence à la culture manga, a eu l’illumination en consultant l’emploi du temps de troisième de sa petite sœur, qui finit ses journées de classe vers 17 heures. Son idée ? Regrouper les matières principales le matin de façon à finir à midi ou 13 heures au plus tard, et pouvoir consacrer les après-midi à des activités personnelles, sportives ou artistiques. Ni une, ni deux, le jeune homme, ingénieur de formation, diffuse une vidéo sur le réseau social le plus addictif du moment, TikTok, très largement consulté par les jeunes des collèges, le public visé par l’influenceur, ou dois-je dire le créateur de contenu ?

Le garçon a indéniablement les qualités requises pour se faire apprécier des collégiens et sa vidéo devient rapidement « virale », totalisant des millions de vues. Pour donner encore plus de retentissement à son idée, le « prof » improvisé lance une pétition en ligne qui recueille plus de 300 000 signatures en un temps record. De quoi impressionner la nouvelle ministre de l’éducation, Anne Genetet, embourbée dans ses relations avec les syndicats qui considèrent cette néophyte avec prudence sinon circonspection, et qui décide de l’inviter au ministère pour discuter avec lui de ses propositions. Elle devra finalement y renoncer, en raison de l’exhumation de tweets homophobes et transphobes publiés par le passé. Reste le fond de la revendication portée par le tiktokeur, qui déclare lui-même que ce n’est pas une idée si neuve que cela. En 2010-2011, elle a même été expérimentée dans 200 établissements secondaires. Il semble que nous soyons, en France, les champions des expérimentations abandonnées quand les résultats sont positifs, puisqu’il n’y a pas eu de généralisation du dispositif, par ailleurs pratiqué dans plusieurs pays européens.

Peut-être faut-il chercher l’explication du côté budgétaire, au moment où l’état cherche désespérément des financements pour simplement maintenir les services les plus indispensables. Il faudrait plus de professeurs ou de formateurs pour cette formule afin d’organiser les enseignements fondamentaux et optionnels, sans compter les répercussions sur les familles et les modes de garde. De plus, la question des rythmes scolaires est indissociable de celle du calendrier des vacances, qui est un casse-tête permanent, et le restera tant que les considérations économiques et financières prendront le pas sur l’intérêt des élèves. Des tentatives ont déjà existé par le passé, mais se sont fracassées sur l’autel de la rentabilité des industries du tourisme, et le serpent de mer ne semble pas près de disparaître.

Commentaires  

#1 jacotte 86 05-10-2024 11:59
dommage
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