Les prénoms

Il est assez rare que les Français appellent les personnalités par leur prénom. Jusqu’à présent, parmi les politiques, il n’y en avait guère qu’une, et c’est Marine Le Pen. Déjà, on ne pouvait pas la désigner par son seul nom de famille, utilisé pour son père, Jean-Marie, qui personnifiait le mouvement du Front national. C’est la candidate elle-même qui revendiquait la familiarité supposée avec le peuple dans certaines affiches électorales, et il faut reconnaître que l’opération a fonctionné sur les catégories susceptibles de partager les idées de cette partie de l’opinion. L’opération « prénom », qui permettait de se démarquer de la tradition liée au patronyme, a contribué à la « dédiabolisation » du désormais Rassemblement national.

Encore récemment, des femmes de ménage interrogées sur leurs intentions électorales, revendiquaient haut et fort vouloir voter « Marine ! » comme si elle faisait partie de leur famille. Et, précisément, c’est une histoire de famille dont elle se serait bien passée qui fait la une actuellement avec la probable défection de sa propre nièce, qui annonce ne pas vouloir la soutenir et envisager de rejoindre le camp de son rival, Éric Zemmour. Marion Maréchal, qui a abandonné depuis de nombreuses années le nom de « Le Pen » qui était accolé au sien, présente la particularité d’être appelée, elle aussi, de son seul prénom, par ses partisans. Beaucoup voient en elle la future héritière du fonds de commerce de l’extrême-droite, dont elle a ménagé jusqu’à présent la tenancière actuelle. Elle bénéficie de l’affectueuse familiarité de son clan, bien plus qu’Éric Zemmour, baptisé au mieux le Z, qui ne recueille qu’un succès d’estime dans ses propres rangs.

L’actuel chef de l’état ne bénéficie pas non plus d’une affection particulière, même chez ses sympathisants. Il se ferait surnommer « Manu », mais dans un sens plutôt péjoratif, un peu comme Sarko en son temps. Quant à De Gaulle, c’était, au mieux, « le grand Charles », et au pire, Charlot ou Badingol selon le Canard enchaîné. Mitterrand était le tonton d’une partie de l’opinion et Fanch Mitt pour les bretons. Dans l’ensemble, les hommes politiques sont généralement désignés par leur seul nom de famille, comme Chirac ou Pompidou, ou une partie de celui-ci, comme Giscard ou Chaban. Parmi les candidats actuels à l’élection présidentielle, je n’en vois guère qui pourraient bénéficier de la proximité liée à l’usage de leur prénom : que ce soit Valérie, Anne, Christiane ou Nathalie chez les dames, Jean-Luc, Yannick, Philippe, Fabien, Éric (déjà nommé), Nicolas, Florian, Antoine, pour ne citer qu’eux, chez les hommes. Et je n’ai retenu que les candidats les plus connus sur la quarantaine possible, sachant que vous aurez du mal à leur attribuer leurs noms de famille respectifs, et en ayant déjà rayé Arnaud et sa dégringolada. Il en manque une à l’appel, et c’est bien évidemment l’inoxydable Arlette, 6 fois candidate, qui nous manque beaucoup.