Philippine ou Philippique ?

Quand j’étais enfant, ce qui n’est pas hier, je vous le concède, nous jouions volontiers à ce que nous appelions « faire Philippine » avec un petit os du bréchet du poulet rôti dominical, jeu qui consistait à prendre chacun une branche de cet os en forme de fourchette à deux dents et de les séparer. Selon la convention, soit le gagnant était celui qui obtenait la partie centrale, et pouvait demander à l’autre ce qu’il voulait, soit la décision était remise au lendemain, le premier qui disait « Philippine » à l’autre avait gagné.

J’ai ouï dire que le jeu se pratiquait aussi avec des amandes ou des noisettes jumelles, et que parfois on l’appelait aussi « cric ou crac ». Le point important est que de la séparation naissait un gagnant, et par voie de conséquence, un perdant. C’est aujourd’hui que l’ex-Premier ministre, Édouard Philippe, va annoncer la création d’un nouveau parti politique, dont on ne connait toujours pas le nom, pour soutenir la candidature éventuelle d’Emmanuel Macron à la prochaine élection présidentielle. On croyait naïvement que le président avait déjà son parti, la République en marche, mais on devait avoir mal compris puisque LREM n’arrête pas de prendre des gamelles à chaque élection depuis le début du quinquennat. Alors le nouveau parti sera-t-il le 452e parti français si l’on s’en tient au décompte effectué par René Dosière en 2017 ? vous n’y êtes pas, et de loin. La très officielle Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en a dénombré pas moins de 700. On comprend que devant l’embarras d’un tel choix Édouard Philippe ait préféré créer son propre parti, en vertu d’un adage qui s’impose de plus en plus dans la vie politique française qui consiste à diviser pour réunir, ce que d’innombrables postulants pratiquent régulièrement.

Accessoirement, un énième parti de centre droit pourrait avantageusement concurrencer les partis existants et constituer un petit matelas de députés qui pourrait vite se révéler indispensable à un président réélu, mais sans parti. On se souvient du groupe des Républicains indépendants, fondé par Giscard D’Estaing, qui se qualifiait lui-même de « cactus » dans la majorité présidentielle du Général de Gaulle, et qui contribuera grandement à l’échec de ce dernier au référendum de 1969. Comme tout bon politique ambitieux, voire arriviste, Édouard Philippe devra probablement poignarder dans le dos et trahir son jeune mentor, mais pas tout de suite. Il attendra son heure, qui ne saurait tarder, à moins d’une explosion en plein vol à la DSK ou à la François Fillon. Bien que très populaire depuis son départ de Matignon, s’il parvenait à la magistrature suprême en 2027, je ne lui donne guère plus de 100 jours pour être l’objet de « Philippiques » de toute la classe politique.