Contre-feu

À peine révélé le rapport Sauvé qui dénonce la pédocriminalité au sein de l’Église catholique française au cours des 70 années qui viennent de s’écouler, un rapport accablant par l’ampleur inattendue des victimes et le nombre des auteurs impliqués dans le clergé, que Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, allumait un contre-feu en brandissant le secret de la confession comme un empêchement absolu à la dénonciation de crimes dont l’église pourrait avoir connaissance. Selon lui, et la formule a fait scandale à juste titre, « le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ».

Une affirmation qui lui a valu une convocation chez le ministre de tutelle, Gérald Darmanin, pour s’expliquer, mais là n’est pas la question. Cette déclaration rappelle fâcheusement la position des extrémistes islamistes qui prétendent imposer la loi coranique, la charia, pour régir les comportements des non-croyants comme des croyants. Là aussi, on oppose une loi divine, au nom d’une religion révélée, à l’ensemble de la législation dont un pays s’est doté démocratiquement. L’évêque s’appuie sur un article du droit canon qui punit d’excommunication un prêtre qui révèlerait un secret recueilli au cours de la confession. Par un glissement sémantique courant, une interdiction s’est substituée à une obligation. Le secret qui s’applique au prêtre, comme au médecin ou l’avocat, a pour objectif de ne pas nuire, et s’impose au professionnel pour ne pas trahir celui qui se confie. Il peut toutefois être délié de cette confidentialité pour éviter un plus grand dommage. Et notamment lorsque les victimes sont des mineurs ou des personnes vulnérables. Cette fois, la non-dénonciation peut entraîner des peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Mais le plus important est ailleurs. Le débat sur le secret de la confession, pour utile qu’il soit, n’est mis en avant que pour noyer le poisson et détourner l’attention du sujet principal. Les abus sexuels sur des enfants et des personnes vulnérables ont été et sont encore monnaie courante dans l’église et c’est intolérable. Et l’institution le savait et n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter que de tels comportements se perpétuent. L’église a préféré garder le secret pour ne pas ternir son image, mais n’a même pas fait le minimum qui aurait été d’éloigner les prédateurs connus dans ses rangs de leurs futures victimes. Mgr Éric de Moulins-Beaufort peut bien désormais poser des débats jésuitiques et discuter sur des questions générales, tout aussi importantes que le sexe des anges, son objectif est clair et ne fait pas honneur à son auteur. N’en déplaise aux nostalgiques de la France, fille aînée de l’église, le temps est révolu du catholicisme tout puissant qui dicterait sa loi, comme l’intégrisme islamique dans certaines théocraties du Moyen-Orient.