Le sexisme des autres

Si, pour vous, poissonnière désigne simplement une profession, exercée par une femme, au même titre que son équivalent masculin, celui qui vend des poissons et des fruits de mer, vous aurez du mal à croire qu’il s’agit d’une insulte, et encore moins d’une insulte sexiste. Toutefois, si le terme sert à un député vendéen de la majorité pour apostropher une de ses collègues de l’opposition, Mathilde Panot, de la France insoumise, et qu’il suit une autre injure sans ambigüité, celle de « folle », vous admettrez qu’il y a bien une intention malveillante dans l’expression de monsieur Pierre Henriet.

Cela suffit-il à caractériser le caractère sexiste de l’attaque ? Le député du parti présidentiel LREM s’en défend en affirmant qu’il aurait eu la même attitude vis-à-vis des collègues masculins qui auraient, comme Mathilde Panot, la fâcheuse habitude de couper la parole et d’invectiver les autres députés. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire de « poissonnier » une insulte, pas plus que « boulanger », alors que le personnage féminin est devenu un archétype de femme agressive, au verbe haut et l’invective à la bouche, dont la seule évocation est évidemment péjorative. Sans doute conscient du mauvais effet de ses propos, et probablement incité par les instances de son parti, le député a consenti du bout des lèvres à présenter des excuses, tout en renouvelant ses attaques et en tentant de faire retomber la responsabilité de la querelle sur la victime. S’il s’agissait d’un cas isolé, on pourrait plaider pour laisser le bénéfice du doute aux parlementaires qui se laissent aller à discréditer leurs collègues féminines à raison de leur genre. Mais les exemples sont légion. On se souvient de l’accueil de Cécile Duflot, alors ministre, à l’Assemblée nationale, parce qu’elle portait une robe assez voyante. Ou plus récemment des cris de poule pour moquer gratuitement Véronique Massonneau, ou encore un bêlement à l’encontre d’Alice Thourot, etc., etc.

Tout ceci est bien connu, et l’on regrette que la prise de conscience soit si lente. Ce n’est toutefois pas une raison pour instrumentaliser, comme le fait régulièrement Marlène Schiappa, un sexisme par ailleurs réel et l’utiliser hors de propos. J’en veux pour preuve la récente passe d’armes qui l’a opposée à Alexis Corbière, autre député de la France Insoumise, qui a fait allusion aux positions de Jean-Marc Schiappa, père de la ministre, et proche du parti d’opposition de Mr Corbière. Marlène Schiappa fait un combo entre patriarcat, féminisme et sexisme pour asséner à son adversaire un définitif : « en 2021, les filles ne sont pas obligées de penser comme leur père ». Je la rassure, les garçons non plus. Le mot enfant aurait largement suffi, et la défense pouvait se passer d’une attaque sur le terrain du sexisme, absent de ce débat qui portait sur la laïcité. Ou comment disqualifier une juste cause.