Le légal, le moral et la minorité

Parmi les 7 personnes mises en examen dans la décapitation de Samuel Paty pour leur complicité présumée avec l’auteur principal des faits figurent deux mineurs de 14 et 15 ans, des élèves du collège où travaillait la victime. Il leur est reproché d’avoir désigné le professeur à son agresseur tchétchène, qui sans eux ne pouvait pas le reconnaître, moyennant une somme d’argent d’environ 300 euros. L’instruction devra établir si les collégiens avaient conscience des conséquences dramatiques que leur attitude allait entraîner, au moment où les faits se sont produits.

L’avocat d’un des deux mineurs a expliqué que son jeune client se rend compte aujourd’hui de l’horreur dont il se sent indirectement responsable et exprime des regrets, tout en s’apitoyant également sur son propre sort. Sur le plan légal, les deux jeunes sont considérés comme responsables de leurs actes, la majorité pénale étant fixée à 13 ans. Toutefois, étant mineurs de moins de 16 ans, l’ordonnance de 1945 protégeant la jeunesse leur accorde le droit à « l’excuse de minorité », qui oblige la justice à diviser par deux la peine encourue par un majeur pour les mêmes faits. En l’occurrence, la peine de réclusion à perpétuité serait commuée en un maximum de 20 ans d’emprisonnement. Ceci dans l’hypothèse où l’instruction établisse leur responsabilité, et où un tribunal pour enfants prononce un verdict de culpabilité.

On ne peut pas préjuger des conclusions de l’enquête, mais un ancien juge des enfants estime qu’il sera difficile de prouver la complicité des deux jeunes. Il est donc possible que sur le plan judiciaire ils s’en tirent avec une condamnation de principe. Il leur faudra cependant vivre avec cette mort atroce sur la conscience. Le criminel leur aurait caché ses intentions meurtrières, mais ils savaient qu’il ne lui voulait pas de bien, car il avait affirmé avoir l’intention de l’obliger à demander pardon en le frappant. À leur jeune âge, on peut considérer qu’ils sont à la fois bourreaux et victimes. Ils n’ont probablement pas mesuré les conséquences de leur attitude et n’avaient peut-être aucune raison particulière de nuire au professeur. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire, contrairement aux autres mis en examen, restés en détention provisoire. Le système judiciaire français me paraît mieux adapté que le droit anglo-saxon pour traiter ce genre de situation. Je ne vois pas ce que la société aurait eu à gagner au placement de ces deux jeunes dans un centre éducatif fermé en attendant un jugement qui prendra nécessairement du temps. Il faudra aussi s’interroger sur le rôle joué par l’argent dans cette affaire. Ce même jeune qui a exprimé des regrets s’est dit aveuglé par les billets, le pactole aurait aboli son discernement. D’autres collégiens se sont pourtant détournés alors qu’on leur proposait de partager la somme avec eux.