L’homme en imperméable mastic avec une serviette sous le bras
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 4 juillet 2016 10:44
- Écrit par Claude Séné
Samedi dernier, dans le ronron de la télévision allumée en prévision du journal du soir, un sujet consacré à Michel Rocard. Tiens, on en parle comme s’il était mort. Jusqu’à ce que je me rende compte que c’était effectivement le cas. Par la suite, beaucoup de réactions, évidemment, et la nouvelle, reprise en boucle dans tous les médias. Comme souvent, une expression que tout le monde répète à l’envi. J’apprends que Michel Rocard incarnait « un socialisme conciliant ». Quèsaco ? Tout ça parce que les journalistes ne sont pas fichus de prendre leur respiration aux bons endroits.
En fait, c’est un communiqué de l’Élysée, ânonné par des présentateurs maladroits, qui saluait un socialisme conciliant utopie et modernité, ce qui, il faut bien le dire, ne veut pas dire grand-chose, et encore moins si on le tronque. Par la suite, nous aurons droit à de larges extraits de l’interview que cet homme d’État a eu la chance de donner au brillant Laurent Delahousse, journaliste vedette du service public. Merci à Michel Rocard de nous avoir permis de redécouvrir le talent de cet immense animateur, dont les questions sont plus longues que les réponses. Alors, puisque tout le monde y va de sa petite anecdote pour se faire mousser grâce à la notoriété d’autrui, je ne vois pas pourquoi je me gênerais.
La scène se passe en 1977. Le parti socialiste se réunit en Congrès à Nantes, 6 ans après celui d’Épinay, celui de la refondation du PS, 3 ans après que le courant rocardien a rejoint les rangs du nouveau parti. Je fais partie du service d’ordre, chargé de la tâche obscure de contrôler les entrées dans l’immense salle des congrès de la Beaujoire. Les travaux des commissions sont engagés depuis longtemps et les orateurs commencent à chauffer la salle. Je vois arriver de loin un homme seul, qui se dépêche. Il porte un imperméable mastic. On dirait Columbo. Il se fouille pour présenter son coupe-file, comme s’il pensait que je ne le reconnaissais pas. Et c’est précisément cette humilité qui me le rend sympathique. J’ai dû, la veille, demander le respect de la règle à une élue, qui se croyait célèbre, mais dont le nom ne vous dirait plus rien. J’apprécie que cet homme ne s’entoure pas d’un porte-serviette, il arrive seul, à pied, et ne considère pas que tout lui soit dû. Il y a beaucoup de chefaillons d’aujourd’hui dont l’arrogance me semble insupportable, à commencer par Emmanuel Macron, qui réclamerait volontiers l’héritage de Michel Rocard, sans droits ni titres. Ah ! oui, au fait, Michel Rocard était tout, sauf conciliant.
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