Le beurre et l’argent du beurre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 27 juin 2016 10:38
- Écrit par Claude Séné
Ou, comme le diraient nos amis britanniques, garder le gâteau tout en le mangeant. L’attitude constante du Royaume-Uni depuis Margaret Thatcher s’est caractérisée par ce souhait de jouer sur les deux tableaux, de tirer un maximum d’avantages de l’Europe tout en acceptant le moins possible de concessions. Paradoxalement, cette position n’a pas été modifiée par le succès du Brexit au référendum. Alors que les Européens, et notamment les Français, attendent de ce résultat une clarification rapide, la Grande-Bretagne semble déterminée à prendre son temps. Au point que l’on peut se demander quelles sont ses intentions.
Certes, David Cameron a annoncé sa démission, conforme à la logique de ce scrutin, mais il l’a programmée pour l’automne. En attendant, il n’envisage pas de présenter la demande formelle de départ de son pays de la Communauté européenne, indispensable pour engager les négociations sur les modalités de ce retrait. Selon un responsable conservateur, la Grande-Bretagne fera cette demande « quand elle sera prête » et un diplomate européen n’exclut pas que cette démarche ne se fasse jamais. Après tout, le résultat du référendum ne s’impose pas au Parlement, qui est favorable au maintien à 75 %. Un Parlement qui est saisi d’une pétition qui a déjà réuni plus de 3 millions de signatures, pour demander à recommencer le vote s’il n’obtient pas au moins 60 % de majorité avec une participation minimale de 75 %. Ce ne serait pas la première fois qu’un vote populaire serait ignoré par les dirigeants. En l’occurrence, la pétition avait été lancée avant la consultation par un partisan du départ qui ne pensait pas que son camp l’emporterait.
Les tenants du Brexit, qui se sont faits étonnamment discrets depuis leur victoire, ont entretenu l’idée que le pays ne perdrait aucun des avantages du marché unique en négociant des accords bilatéraux tout en se dispensant de la contribution au budget commun. Tout bénéfice par conséquent. La réalité semble légèrement différente et les Britanniques ont commencé à s’en apercevoir, certains regrettant déjà leur choix. Comme souvent, la question posée a été le prétexte à régler un différend de politique intérieure. David Cameron a joué un coup de poker en concédant la promesse de cette consultation pour se faire réélire, et il a perdu son pari stupide. Les seuls qui sortent renforcés de cette aventure sont les nationalistes de Ukip, mais leur majorité de circonstance ne leur permettra pas l’accès au pouvoir, du moins pour le moment. Les conséquences de ce petit jeu risquent d’être lourdes et durables, les Anglais pourraient y perdre leur beurre et l’argent du beurre.