
Le vent du boulet
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 23 septembre 2025 10:58
- Écrit par Claude Séné

Quelle mouche a donc piqué Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, et qui entend le rester, pour qu’il se déchaîne à ce point contre un modeste économiste qu’il qualifie de « militant d’extrême gauche » ce qui semble représenter pour le milliardaire le stade précédant de peu dans l’infamie celui de parricide ou d’ennemi public numéro un, dont le projet caché serait de « mettre à terre l’économie française », rien de moins. Ce pelé, ce galeux, ce « Gabriel Zucman », s’il faut l’appeler par son nom, a imaginé un dispositif diabolique destiné à amputer les ultrariches d’une infime partie de leur fortune colossale.
Pensez-donc ! Il ne s’agit de rien de moins que de faire rendre gorge aux 1800 familles qui possèdent un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros en ponctionnant 2 % de taxes, quand la tranche supérieure d’impôt sur le revenu au-dessus de 180 000 euros annuels s’élève à 45 %. 2 %, c’est donc cadeau, surtout compte tenu de l’optimisation fiscale parfaitement légale, et sans préjuger de fraude éventuelle, dont on soupçonne systématiquement les gagne-petit, les puent-la sueur, sous couvert de justice fiscale ou sociale. Il faut croire que la menace d’un impôt sur la richesse, qui n’est pas nouvelle, a été prise très au sérieux par Bernard Arnault, qui semble avoir senti le vent du boulet lorsque la taxe Zucman a été débattue au parlement et adoptée par les députés en janvier dernier, puis rejetée au Sénat en février et renvoyée en commission depuis. Conscient qu’il aura du mal à gagner la bataille de l’opinion, favorable à une forme d’impôt sur les très hauts revenus quand tous les Français sont invités à faire un effort, le milliardaire a entrepris de disqualifier l’économiste, pour mieux dénigrer sa proposition.
Il a fait appel pour être l’exécuteur de ses basses œuvres, à une personnalité reconnue en la personne de Thierry Breton, ancien commissaire européen, qui a expliqué benoitement que Gabriel Zucman avait postulé sans succès pour être prof d’économie à Harvard aux États-Unis, qui ne l’avait pas embauché, alors que lui-même, soit dit en toute modestie, y prodiguait son enseignement. Connaissant les orientations ultralibérales ayant cours dans la plupart des universités américaines, je ne sais pas si c’est un titre de gloire. Bien que la plupart des économistes ne se signalent pas par des idéaux de justice sociale, mais plutôt par la valorisation du profit avant toute considération, il faut relever un appel lancé en juillet dernier par 7 prix Nobel d’économie, dont la Française Esther Duflo, couronnée en 2019, qui ont soutenu l’initiative lancée en France, qui pourrait faire tache d’huile en montrant la voie au reste du monde, et faire partiellement échec aux stratégies d’optimisation fiscale qui permettent aux ultrariches de ne payer que 0,1 % des revenus liés à leur patrimoine.