Coup de sonde

Cela vous paraît peut-être hors sujet au moment où personne, pas même le Premier ministre pourtant nommé depuis le 9 septembre déjà, ne semble en mesure d’annoncer la composition du futur gouvernement ni quand il prendra effectivement ses fonctions, mais deux sondages ont été publiés coup sur coup sur les intentions de vote des Français aux élections présidentielles de 2027. Il faut naturellement se montrer extrêmement prudent sur ces résultats, comme il est d’usage en pareil cas, quand la situation peut être très différente si longtemps à l’avance, et que l’on ne sait même pas si les présidentielles se dérouleront à l’échéance prévue, ou de manière anticipée.

Quelques tendances se dessinent néanmoins, dont la plus importante semble la permanence du vote Rassemblement National, mesuré à environ un tiers des intentions au premier tour, quel que soit le candidat RN, et l’éventail des candidatures concurrentes. Cette tendance est une confirmation des études précédentes et des résultats enregistrés à ces occasions. Ce qui paraît nouveau, c’est la disparition plus ou moins avérée du « plafond de verre » qui empêchait l’extrême droite de capitaliser sur ses scores de premier tour du fait de l’existence d’un « front républicain ». Il suffisait à un candidat n’appartenant pas au RN de se qualifier pour le second tour pour avoir la quasi-certitude de l’emporter. Et le ticket d’entrée n’a pratiquement jamais été aussi bas. En 2027, il suffirait de 15 à 18 % pour se qualifier, ce qui est à la portée de plusieurs candidats potentiels ou déclarés. Ce qui signifie qu’un autre Emmanuel Macron, venu de nulle part, pourrait espérer être élu sur un coup de tête, à la faveur d’un malentendu.

Mais ce n’est pas le plus probable. Le mieux placé à droite, malgré ou grâce à l’effondrement du macronisme, victime des errances de son chef, reste Édouard Philippe, sous réserve qu’il ne s’effondre pas dans la dernière et longue ligne droite, en prenant sur lui un lourd héritage auquel il a grandement contribué. Les Français pourraient bien refuser la succession et avec elle les dettes qu’elle leur a léguées. Dans un choix aussi cornélien entre la peste et le choléra, Marine Le Pen, si elle est bien candidate, a toutes ses chances, pour notre plus grand malheur. Ce n’est pas un pronostic, mais un risque très sérieux, bien plus que lors du scrutin de 2002, où la menace du Front National représenté par Jean-Marie Le Pen avait été survendue, assurant à Jacques Chirac une élection de maréchal africain, dont il n’a pas tardé à s’attribuer le mérite, contre toute évidence. Reste une incertitude, et elle est de taille. Ces élections présidentielles seront-elles précédées ou suivies de législatives ? Si oui, leur résultat peut conforter ou renverser totalement les tendances observées actuellement.