Chaises musicales on prend les mêmes

Après trois semaines d’un suspense interminable, Sébastien Lecornu s’apprêterait donc à rendre sa copie concernant la nomination des membres du gouvernement, et, dans la foulée, des grandes lignes de son budget pour 2026. On a l’habitude de comparer cet exercice à un jeu de société, dans lequel il manque une chaise par rapport au nombre de participants qui déambulent en rond et doivent s’assoir au signal musical. Le moins rapide est éliminé à chaque tour. Pour le Premier ministre, la contrainte s’enrichit de la nécessité annoncée d’une équipe resserrée, avec 25 places au lieu de 35 sous Bayrou, tout en conservant les « poids lourds » tels que Bruno Retailleau, en mission pour sa formation politique des Républicains, tout en roulant surtout pour lui-même.

Sans oublier le respect de la parité hommes/femmes, désormais passée dans les habitudes. L’équation se complique encore si l’on considère que l’espérance de « vie » d’un ministre se réduit comme peau de chagrin depuis que le président a cru bon de dissoudre l’Assemblée quand rien ne l’y obligeait et refuse de le faire quand tout l’y invite et en particulier la plupart des Français eux-mêmes. Raisonnablement, les ministrables devraient hésiter à « y aller » cette fois encore, mais, bizarrement, l’appel du pouvoir l’emporte le plus souvent sur la raison raisonnante, et pas seulement pour la voiture de fonction qui pourrait disparaître bientôt, pour l’exemple. Tous les futurs ministres doivent s’attendre à tout, dans la mesure où l’on ne sait presque rien sur les orientations, mis à part que le Premier ministre a d’ores et déjà écarté toutes les suggestions de justice sociale ou fiscale, qui auraient pu lui éviter une censure immédiate. Faute de véritable dialogue social, il annonce unilatéralement une petite avancée sur les retraites, en particulier celles des femmes dont la carrière hachée n’a pas permis une véritable équité avec les hommes.

Avec ce genre d’aumône, le futur gouvernement pourrait être démissionné avant même les passations de fonctions. À ce sujet, un des postes ministériels qui risque d’être crucial dans les mois et les années à venir, c’est celui des Armées, occupé jusqu’ici par le nouveau Premier ministre, et pour lequel je me risque à faire un pronostic. Tout comme on a beaucoup dit qu’Emmanuel Macron a choisi Sébastien Lecornu parce que c’était son clone, qui, mieux que Sébastien Lecornu, pourrait se succéder à lui-même ? D’autant plus qu’en cas de conflit avec la Russie, on économiserait un échelon dans la chaîne de commandement, traditionnellement le « domaine réservé » du Président de la République. Cette idée est moins biscornue qu’elle n’y parait, et elle aurait l’avantage de faire immédiatement quelques économies de champagne et de petits fours.