Présomption

Il aura beaucoup été question de présomption d’innocence depuis les troubles à l’ordre public du début d’été, et l’attitude de la police dans ses missions de maintien de l’ordre. Les syndicats de police, notamment, ont été dans leur rôle en rappelant que leurs membres avaient le droit d’être considérés comme innocents, tant qu’ils n’avaient pas été jugés, comme tout justiciable. De là à transformer cette présomption en impunité en introduisant une notion de légitime défense automatique, il y a un pas qu’il serait dangereux de franchir. La présomption est selon le Larousse, « un jugement fondé sur des indices, des apparences et non des preuves. »

À chaque nouvelle affaire, les avocats des policiers mis en cause se réfugient derrière le secret de l’instruction pour éviter de devoir justifier le comportement de leurs clients sur le fond. Ce qui n’a pas empêché le procureur de la République de Marseille de présenter une victime, Mohamed B., comme un pillard disputant un butin à un émeutier, ce qui, en soi, ne justifierait pas la nécessité de lui tirer dessus trois fois avec des balles de défense, dont l’une aurait causé sa mort en provoquant une défaillance cardiaque. Il va être bien difficile de démontrer la nécessité et la proportionnalité d’une telle riposte sur une personne s’éloignant en scooter, qui aurait menacé l’intégrité physique des policiers. Dans une stratégie de défense maladroite, la police tente de justifier les faits en indiquant que les policiers du Raid, appelés à la rescousse ces jours-là était parfaitement formés et habilités à pratiquer des opérations de maintien de l’ordre. Les résultats permettent d’en douter. Pire encore, elle souligne que « des milliers de tirs de LBD ont lieu chaque année », ce qui incite à penser que c’est un miracle qu’il n’y ait pas davantage de blessures infligées à la population.

Une autre ligne de défense des policiers consiste à mettre l’accent sur la dangerosité de leur métier, sur les risques qu’ils prennent en faisant leur devoir, et sur la volonté de certains malfaiteurs de « casser du flic ». Cela existe, et ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas en employant les mêmes méthodes d’intimidation que les voyous que les forces de l’ordre se feront respecter. On a trop vu dans les quartiers dits sensibles des policiers se comporter comme des shérifs de western, pratiquant les contrôles au faciès et à répétition, au point que les gangs locaux les considèrent comme des bandes rivales. La situation s’est tellement détériorée que tous les symboles de l’état sont désormais devenus des cibles. Cela a commencé par les uniformes, ceux des pompiers, notamment. À présent, les protestataires s’en prennent aux écoles, aux mairies ou à tous les bâtiments collectifs. La poussée de fièvre passée, l’état reprend son train-train quotidien, sur jouant les gros bras pour feindre d’avoir la situation bien en main, jusqu’à la prochaine fois.