Convergence des luttes
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 8 février 2023 10:41
- Écrit par Claude Séné
C’est à la fois le rêve des militants qui espèrent que les différents sujets de mécontentement provoquent des réactions en chaîne et se fédèrent pour peser davantage dans le rapport de forces, et le cauchemar de tous les gouvernements pris en tenaille entre des revendications diverses et variées. Les mobilisations contre le projet de réforme des retraites, bien que massives, ne semblent pas impressionner plus que ça le pouvoir exécutif, fort, sinon de son bon droit, du moins de sa capacité à ignorer le peuple, fut-il largement opposé à ses décisions.
Mais il existe des signes auxquels un président et un gouvernement aussi « bornés » soient-ils, se doivent d’être attentifs s’ils ne veulent pas laisser dégénérer une situation potentiellement insurrectionnelle, comme dans la crise des gilets jaunes, où il a fallu reculer et concéder beaucoup de terrain. La première série concerne l’attitude de la jeunesse. Si les étudiants et les lycéens se mobilisent, que les établissements scolaires sont fermés, ou pire, occupés, ou que les jeunes descendent dans la rue, alors un signal « danger » doit clignoter dans les hautes sphères de l’état. Pour prendre une image fréquemment utilisée, il est aussi difficile de faire rentrer les élèves dans leurs établissements que de remettre le dentifrice dans le tube après l’en avoir sorti. Par chance, nous arrivons dans une période de vacances scolaires, ce qui donne un répit au gouvernement, mais gare à la rentrée.
L’autre risque majeur, c’est celui du monde paysan. Les agriculteurs ont beau être beaucoup moins nombreux que par le passé, une opération de rassemblements de tracteurs convergeant vers la région parisienne permet de bloquer une partie du pays avec quelques centaines ou quelques milliers de mécontents, là où des millions de manifestants ne suscitent aucune réaction, voire un mépris total. Et peu importe que les revendications soient justifiées ou non. La cause des betteraviers, qui demandent le maintien d’une dérogation à l’utilisation des néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » n’est pas acceptable à terme, de l’aveu même des organisations qui la défendent. Il n’empêche que la méthode consistant à décider au dernier moment et à mettre les professionnels dans une situation impossible, peut et va susciter la colère de paysans déjà très touchés par les hausses des matières premières, de l’énergie, et en butte à des restrictions dans leurs négociations avec la grande distribution. Je suis prêt à prendre les paris. Si les agriculteurs se mettent à déverser du purin et du fumier dans les cours des préfectures, il ne faudra pas plus d’une semaine pour que s’ouvrent des négociations alors que les syndicats ouvriers les réclament en vain. Tout le monde se réjouit que pour l’instant les manifestations se déroulent dans le calme. Il est navrant que le pouvoir macronien mise sur un pourrissement qui aboutirait à des incidents, plus ou moins provoqués, pour discréditer le mouvement.