Un ballon d’essai ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 6 février 2023 10:55
- Écrit par Claude Séné
Le ballon chinois présumé espion qui a survolé le territoire américain a été abattu par un avion de chasse sur l’ordre du président des États-Unis, Joe Biden, mettant une fin provisoire à une controverse naissante entre les deux superpuissances. À première vue, les torts sont entièrement à attribuer à la République populaire de Chine, qui aurait voulu espionner les installations stratégiques de son rival. Si c’est le cas, elle s’y serait prise de manière bien maladroite, car même à une altitude élevée, un ballon de la taille de trois autobus passe difficilement inaperçu.
Ce n’est d’ailleurs peut-être pas la première fois que la Chine a recours à ce type d’engin, et qu’elle a ainsi voulu tester la résistance des États-Unis vis-à-vis de cette forme d’observation. Un ballon d’essai, en quelque sorte, qui n’empêchera pas d’autres formes d’espionnage de continuer, notamment par les satellites, dont les États-Unis font eux aussi grand usage. Car les Américains, qui jouent les vierges effarouchées, sont les premiers à espionner les pays étrangers, non seulement leurs ennemis potentiels, mais aussi leurs alliés. On se souvient des révélations d’Edward Snowden en 2015 qui démontraient les écoutes pratiquées par la NSA sur les chefs d’État européens, dont trois présidents français et la chancelière allemande Angela Merkel. Pour être honnête, chaque pays essaye d’espionner les autres, à la mesure de ses moyens, et ceux des Américains sont immenses. Il s’agit simplement d’éviter de se faire prendre sur le fait.
En l’occurrence, les Chinois ont visiblement hésité sur la ligne à tenir. Ils ont prétendu qu’il s’agissait d’un ballon météo, ce qui ne trompera personne, mais leur permet de sauver la face. Leurs explications embarrassées sont inhabituelles. Je suis cependant surpris qu’ils n’aient pas utilisé le meilleur argument à mon sens pour justifier la présence de ce ballon dans la stratosphère. Comme les eaux territoriales, la souveraineté aérienne d’un pays s’arrête à 66 000 pieds, soit 20 kilomètres d’altitude, et le ballon chinois était plus haut. Techniquement, l’avion américain l’a donc abattu dans une zone n’appartenant à personne, comme si un navire avait été coulé dans les eaux internationales. À ce compte-là, un pays qui en a les moyens pourrait s’approprier toute la zone aérienne au-delà des 66 000 pieds et s’arroger le droit de détruire ce qui s’y trouve, s’il juge ses intérêts menacés. Pour le moment, les pays capables de mettre en œuvre une telle technologie ne sont pas légion, et leur club très fermé ne s’agrandira pas de sitôt. L’attitude belliqueuse de la Russie de Poutine démontre que le monde n’est pas à l’abri de visées expansionnistes, et la question de Taïwan n’est toujours pas réglée sur le principe. Les positions des États-Unis et celles de la Chine sur ce point restent antagonistes et vont bien au-delà d’un simple incident diplomatique.