La santé n’a pas de prix…

Mais elle a un coût, comme en témoigne l’obligation rencontrée par l’hôpital de Nevers d’affréter un avion de tourisme pour faire venir de Dijon pour la journée 8 médecins en renfort pour pallier le manque dans certaines spécialités. Coût estimé de l’opération : 5200 euros, une somme conséquente, mais qui ne représente qu’une petite partie du budget consacré aux vacations du fait du manque cruel de personnel médical, 3,5 millions, plus de la moitié du déficit de l’hôpital de Nevers, estimé à 6 millions d’euros. Cette solution, qui pourrait se pérenniser, vise à remplacer le transport par route, trois heures et demie, ou le train, qui doit s’interrompre prochainement pour cause de rénovation.

Ce mini scandale, entretenu également par le gâchis écologique d’un trajet aérien générateur de tonnes de CO2, aura eu le mérite d’attirer l’attention sur un désert médical, qui est loin d’être un cas isolé. Dans la Nièvre, aucun dermatologue, et il n’y a qu’un généraliste pour 2000 patients, plus du double de la moyenne nationale. Les urgences sont encore plus saturées qu’ailleurs. Les raisons de cette pénurie sont connues, et liées à une politique de santé désastreuse qui ne date pas d’hier. Les gouvernements ont appliqué une stratégie à courte vue en limitant à outrance le numérus clausus, partant du principe simpliste que plus il y a de médecins, plus il y a de malades, et qu’il fallait fermer des lits pour diminuer les dépenses. Cette gestion purement comptable n’a pas eu l’effet escompté sur les finances, et a créé une situation inextricable. Les hôpitaux ou les cliniques sont amenés à employer du personnel intérimaire ou vacataire, payé le double des titulaires. Les bouts de chandelles sur lesquels on a voulu économiser coûtent finalement très cher et découragent les vocations.

Devant l’urgence de la situation, qui va s’aggraver mécaniquement pour les 10 ans à venir, le temps de former de nouveaux médecins, certaines voix suggèrent des obligations de s’installer en priorité dans les régions déficitaires, alors que les intéressés défendent bec et ongles la liberté d’exercer où ils veulent. Ce que l’on peut comprendre, mais il faudrait choisir entre un système libéral, soumis aux règles de la concurrence, et un régime administré, où la collectivité assure et garantit un service public de santé. Dans le premier cas, il serait nécessaire de former massivement des professionnels et accepter qu’ils choisissent les régions les plus agréables ou les plus lucratives pour les plus performants, laissant les autres exercer une médecine au rabais dans les régions déshéritées. La conséquence logique en serait l’aggravation de cette médecine à deux vitesses, qui permet aux plus aisés d’être bien soignés dans des délais corrects, pendant que les plus pauvres patientent des journées entières sur des brancards aux urgences en présence de soignants trop peu nombreux, débordés, surmenés et découragés.