Le Pape : combien de divisions ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 26 décembre 2022 10:58
- Écrit par Claude Séné
C’est par cette question ironique que Joseph Staline avait répondu à Pierre Laval en 1935 quand il venait lui demander de respecter les libertés religieuses en Russie, démontrant ainsi le peu cas du « petit père des peuples » pour le leadership moral du premier des catholiques. De ce point de vue, le chef actuel du Kremlin ne désavouerait pas son prédécesseur, lui qui ne connait que la force brute, et ne tient aucun compte des points de vue différents du sien. Et ce n’est pas le message délivré par le pape François « urbi et orbi », à la ville et au monde, le jour du Noël catholique, qui va influencer en quoi que ce soit sa position.
En effet, si le Pape, comme c’est son habitude, a déploré l’existence de conflits armés à travers le monde, notamment en Ukraine, il a soigneusement évité de désigner la Russie, qui est pourtant l’envahisseur évident, comme responsable de cette guerre. Il s’est contenté de manifester sa solidarité et sa charité toute chrétienne auprès de ceux qui souffrent de la situation, en particulier les pauvres et les démunis, soumis aux aléas climatiques d’un hiver rigoureux en plus des victimes parmi les soldats et les populations civiles. C’est que le pape François n’a pas abandonné l’espoir de jouer un rôle diplomatique en se posant en intermédiaire entre les belligérants, et donc en ne condamnant pas le camp de l’agresseur. Peine perdue, à mon humble avis, car Wladimir Poutine a choisi son camp de longue date. Ses plans ne sont pas compatibles avec un pape qui se poserait en interlocuteur entre les parties. Bien au contraire, il s’appuie sur le patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Kirill, un ancien du KGB qu’il a vassalisé depuis son arrivée au pouvoir. L’héritier de la tradition orthodoxe soutient son ami Poutine, et lui permet d’asservir un peu plus le peuple.
Comme à son habitude, Poutine retourne les faits en accusant l’Occident de séparer les croyants, alors que c’est lui qui instrumentalise les divisions existantes liées au schisme de Constantinople. Malgré le rejet évident de Poutine, le pape François exhorte les dirigeants, « qui ont le pouvoir de faire taire les armes et de mettre fin immédiatement à cette guerre insensée » à entendre et laisser « le Seigneur éclairer leur esprit. » Nous sommes en plein dans ce que l’on a coutume d’appeler des vœux pieux. En ne voulant pas prendre parti, le pape n’apporte pas une condamnation claire de l’agression et n’aide pas les chrétiens à analyser objectivement la situation. Il ne contribue pas non plus à empêcher une généralisation du conflit, une guerre mondiale qu’il dit chercher à éviter à tout prix. Sa posture actuelle réduit son influence à celle du chef d’un état pontifical, avec quelques dizaines de gardes suisses, et le prive du rayonnement de leader du 1.360 milliard de catholiques dans le monde.