L’homme qui valait 66 millions
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 16 avril 2022 11:07
- Écrit par Claude Séné
Cet homme, vous le connaissez, c’est l’autre Carlos, le rival de Carlos Ghosn avant sa descente aux enfers, Carlos Tavares donc, à la tête du groupe automobile Stellantis, héritier de la fusion de PSA et de Fiat, comprenant une quinzaine de marques commerciales, pour un chiffre d’affaires de 152 milliards d’euros en 2021. Le directeur général touchera 19 millions d’euros pour l’année, et une prime de 47 millions si les objectifs sont atteints. Une somme faramineuse, même pour un patron du CAC 40, pour qui ce serait un record, de 10 à 15 fois plus que la moyenne des autres dirigeants.
Au point que les actionnaires ont voté contre cette rémunération en Assemblée générale et que Emmanuel Macron lui-même, pourtant très favorable au libéralisme et aux salaires élevés pour un petit nombre, a jugé cette somme « excessive et choquante ». Ce qui n’a pas empêché le conseil d’administration de maintenir la décision malgré l’opposition des actionnaires. Même sans les primes, le directeur général touchera l’équivalent de 326 années du salaire moyen des 300 000 employés du groupe, qui ne sont pas parmi les plus mal payés eux-mêmes. Pendant que quelques grands patrons s’octroient des salaires indécents avec la bénédiction d’oligarques croisant leurs fauteuils dans les conseils d’administration avec des retours d’ascenseurs permanents, les salariés des petites entreprises voient leurs salaires stagner, tout comme les fonctionnaires des petites catégories, ainsi que les smicards et les précaires, en attendant que l’inflation leur bouffe les quelques maigres augmentations glanées çà et là, au prix parfois de conflits sociaux coûteux pour leur porte-monnaie.
Au moment où il est beaucoup question des retraites et d’équilibrer le régime général à coup d’augmentation des prélèvements en travaillant plus longtemps, il est très instructif de noter que Carlos Tavares va bénéficier d’un versement de 2,5 millions d’euros pour abonder sa retraite chapeau, soit un progrès de 120 000 euros annuels pour la seule année 2021. Il est clair que nous vivons dans une société de plus en plus inégalitaire. Au-delà des écarts au sein de la même entreprise, les salariés qui ont la chance de travailler pour des groupes profitables sont en moyenne mieux traités que ceux qui sont employés dans des secteurs peu ou pas bénéficiaires. Si on laisse le marché « réguler » ces différences, on peut être sûr qu’elles vont s’accroître mécaniquement et que seuls les plus forts se sortiront d’une bataille pour conquérir le pouvoir et se maintenir au sommet de la chaine alimentaire. Il ne suffira pas à Emmanuel Macron de citer très approximativement Jean Jaurès : « il n’y a pas d’idéal si on ne part pas du réel » *, pour obtenir un brevet de progressisme et améliorer les conditions de vie des plus défavorisés, de plus en plus nombreux.
* La citation exacte : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » JEAN JAURÈS aux Lycéens d’Albi, dans le discours à la Jeunesse (1903)
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