On prend les mêmes

À vingt heures, hier soir, les résultats du premier tour tombaient. Et ce n’est pas qu’une image. Car la répétition du duel de 2017 entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron va peser comme une chape de plomb sur le paysage politique français. À la différence de la précédente présidentielle, nous savons à quoi nous attendre avec le président sortant, et les brebis égarées se réclamant de la gauche ne pourront pas dire « nous ne savions pas » en choisissant le camp du candidat de plus en plus ouvertement acquis au libéralisme et aux valeurs traditionnelles de la droite.

Il n’y avait plus guère d’ailleurs que Valérie Pécresse pour accuser le président Macron d’être un cryptosocialiste. En 2017, l’électorat s’était réparti en quatre quarts d’importance similaire, cette fois ce sont trois tiers, car la droite dite républicaine s’est dissoute dans le macronisme, tandis que la gauche pragmatique se reportait sur Jean-Luc Mélenchon, jugé seul capable de représenter cette partie de l’opinion. Et il a bien failli réussir à terminer devant l’extrême droite. Il aurait fallu pour cela qu’Éric Zemmour fasse jeu égal avec Marine Le Pen, au lieu de dégonfler la baudruche et montrer au plein jour la vacuité de ses idées. C’est donc encore raté, même si c’est de peu, et que les chances de Mélenchon en cas de qualification pour le deuxième tour restaient très minces. Mais je fais partie de ces castors malgré eux qui en ont assez de devoir faire barrage à l’extrême droite en votant contre leurs idées.

En 1969, après le départ du général de Gaulle, les Français avaient le choix impossible entre Georges Pompidou et Alain Poher, aussi réactionnaires et conservateurs l’un que l’autre, que le communiste Jacques Duclos qualifiait de bonnet blanc et blanc bonnet. Ici, la comparaison serait avec l’expression tomber de Charybde en Scylla, s’il fallait se précipiter dans un malheur plus fort encore pour échapper à une situation déjà désastreuse. Peu d’espoir donc d’une évolution positive avec un deuxième tour dont il ne peut rien sortir de bon, et qui servira d’argument au président sortant pour renforcer sa politique néfaste. Et s’il était battu, ce serait encore pire. Reste à savoir ce qu’il adviendra du troisième tour, celui des élections législatives. Certains députés de la majorité sortante ne voudront pas se représenter, échaudés par le traitement de chair à canon qu’ils ont subi et lassés d’être pris pour des godillots, mais on peut douter de la capacité de remonter la pente, si près de l’élection présidentielle, de l’opposition démocratique. Ce qui signifiera une nouvelle période de 5 années de mépris de classe et d’exercice solitaire du pouvoir. Ça finit par être fatiguant, quand on a, comme moi, traversé pas mal de décennies, sans presque jamais approuver la politique mise en place malgré soi.