Le fait inaccompli
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 12 mars 2022 10:46
- Écrit par Claude Séné
Depuis son accession au pouvoir, Wladimir Poutine avait pris l’habitude de placer ses adversaires devant des faits accomplis. C’est ainsi que l’annexion de la Crimée s’est déroulée en 2014 presque sans coup férir. Au mépris du droit international, dont il n’a que faire, le dictateur russe s’est emparé militairement de la péninsule en deux petits mois et a fait ensuite avaliser par un référendum sous contrainte le rattachement de la nouvelle république « indépendante » à la Fédération de Russie. En 2008, c’est en Géorgie qu’il intervenait pour détacher deux provinces, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, du pouvoir légitime géorgien.
Après ces faits d’armes victorieux, et le soutien au bourreau syrien de son peuple, Bachar El-Asad, Poutine a pu constater qu’il pouvait faire exactement ce qu’il voulait, sans encourir d’autres désagréments que des sanctions économiques assez modérées. Fort de ses premiers succès, il a déroulé le plan d’invasion de l’Ukraine, dont il n’avait d’ailleurs pas fait mystère, en pensant que sa supériorité militaire amènerait le président ukrainien à capituler rapidement, sans que les Occidentaux réagissent autrement que verbalement. Il avait raison sur un point. Ni le président des États-Unis ni le commandement de l’OTAN ne sont prêts à courir le moindre risque de déclencher une troisième guerre mondiale pour défendre la souveraineté de l’Ukraine. Mais il a sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens, de leur armée tout d’abord, et aussi des volontaires, surmotivés par la défense de leur patrie, et même les civils, malgré le déluge de feu asséné par l’armée russe. Cette dernière, après deux semaines de combats, n’a toujours pas réussi à s’emparer des villes principales, à l’exception de Kherson dans le Sud, qui n’est cependant pas pacifiée pour autant.
Les choses ne se déroulant pas comme prévu, malgré la déclaration du chef d’état-major russe, Poutine fait feu de tout bois. Les bombardements des populations civiles, l’attaque de quartiers résidentiels dépourvus de tout objectif militaire, et plus récemment le crime de guerre sur un hôpital pédiatrique à Marioupol, ne pourront être cachés durablement à l’opinion mondiale et même à la population russe qui ne veut pas croire que son pays puisse être responsable de telles atrocités. Alors, en plus de la menace nucléaire, directe ou indirecte avec les centrales ukrainiennes de Tchernobyl ou Zaporijia, Moscou brandit la menace de guerre chimique ou bactériologique, en réponse à une soi-disant activité ukrainienne de ce type. La désinformation est la règle. Les représentants de la Russie multiplient les dénégations sur les attaques contre les populations civiles. Jusqu’à la station internationale, dernier bastion d’une entente où cohabitent pacifiquement Russes et Américains, dont ils menacent de la laisser s’écraser sur la Terre si les Occidentaux ne cèdent pas à leurs exigences. Cela s’appelle du chantage, et témoigne du désarroi d’un dictateur tenu en échec par un pays moins étendu et moins puissant, mais totalement déterminé en soutien de son président, dont le courage force le respect.