Rendement et sécurité

C’est ce que me promet une société financière bien sous tous rapports à la seule condition d’investir dans un secteur en plein développement, le marché des EHPAD, dont on parle beaucoup en ce moment, et malheureusement pas en aussi bons termes qu’on le souhaiterait. La publicité que j’ai reçue dans ma boîte mail est pourtant très alléchante. On me promet même une prime de 80 euros dès l’ouverture d’un compte d’investissement avant la fin du mois, sans compter les nombreux avantages de la formule.

Le rendement peut atteindre jusqu’à 5,80 % l’an, alors que les produits d’épargne étaient encore plafonnés jusqu’au mois dernier à 1 %, la revalorisation à 2 % étant « oubliée » dans le prospectus, et le maximum d’investissement peut atteindre 200 000 euros, ce qui ne risque guère de m’arriver, ni à la plupart des petits épargnants visés par ce produit, pas plus que de bénéficier d’une réduction d’impôt de 33 000 euros. Vous l’aurez compris, il s’agit d’offrir une échappatoire de déduction fiscale aux personnes aisées qui ne sauraient plus quoi faire de leur argent. Oublions un instant la notion d’injustice sociale et fiscale qui permet aux riches de devenir encore plus riches, sans profit aucun pour les plus pauvres, avec la bénédiction de l’état. Ce retour sur investissement, qui va le payer, sinon les familles des personnes assignées à résidence qui payent fort cher un service dont on découvre chaque jour les insuffisances ? Alors quand j’entends un ancien ministre de la Santé, qui se prétendait socialiste, Claude Évin pour le nommer, affirmer que le statut public ou privé n’a aucun rôle dans la crise actuelle, je commence par sursauter avant de me pincer. Bien sûr qu’il n’est pas indifférent qu’un établissement accueillant des personnes âgées soit à but lucratif ou non.

Pour garantir un rendement élevé aux investisseurs et engraisser les sociétés gestionnaires des établissements privés, il faut gratter sur tout et notamment sur le budget « personnel », très généralement sous-doté. Il est vrai que les restrictions budgétaires dans le public entraînent aussi des dysfonctionnements. À ce sujet, on s’interroge sur la ministre chargée de l’Autonomie, qui semble découvrir le problème, pourtant patent depuis de nombreuses années. Soit elle est incompétente, soit elle sous-estime sciemment une situation connue en signe d’allégeance à la nouvelle majorité qu’elle a rejointe courageusement en reniant ses engagements précédents. Si les groupes Orpea et Korian sont actuellement les plus en vue, en tête du palmarès de la honte, ils ne sont que la pointe de l’iceberg, dont on a pu mesurer partiellement l’importance à l’occasion de la crise du Covid. Le point central des dysfonctionnements réside dans l’insuffisance de personnel, qui fait pourtant tout son possible, et parfois au-delà. En moyenne, les établissements français comptent une soixantaine de personnes encadrantes pour 100 résidents, quand le Danemark en prévoit 100 et l’Allemagne 120, soit le double. Avec la meilleure volonté du monde, le personnel est débordé et devient inéluctablement maltraitant, faute de temps.