Tristes tropiques
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 12 août 2021 11:04
- Écrit par Claude Séné
La situation sanitaire aux Antilles est en train de prendre un tour catastrophique, comme d’ailleurs dans une moindre mesure dans les autres territoires ultra-marins, de l’océan indien au Pacifique, en passant par l’Amérique du Sud. Ces morceaux de France ne bénéficient pas des infrastructures et d’un système de soins comparables à ceux de la métropole. Relativement épargnés par la première vague de l’épidémie, ils sont actuellement très vulnérables du fait de l’apparition du variant delta, infiniment plus contagieux que la souche d’origine, et du faible taux de vaccination de la population.
La Martinique et la Guadeloupe sont débordées par l’afflux de nouveaux cas dans les hôpitaux, ce qui nous offre un aperçu de ce que la situation aurait pu donner en France métropolitaine et dans le monde entier sans la mise en œuvre, même incomplète, des différents vaccins si décriés par des militants aveuglés par une propagande stupide. La preuve par l’absurde en est apportée par une statistique imparable : 100 % des patients en réanimation n’avaient pas été vaccinés. Pour le touriste moyen que j’ai été, les Caraïbes représentent une sorte de paradis, à condition de n’avoir que des loisirs à y consacrer, et les moyens de s’acheter les produits apparemment courants, mais souvent importés de métropole. C’est sur ce paradis perdu à la John Milton que les vacanciers obligés de plier bagage ou de rester confinés dans leur hôtel ont versé une larme, sans se rendre compte de l’indécence de leur mécontentement, comparé au risque mortel subi par la population locale. On a encore pu voir des interviews de Français métropolitains refusant de gâcher des vacances auxquelles ils estiment avoir droit, et se sentant protégés par leur vaccin, ce qui est globalement vrai, mais ne devrait pas empêcher toute solidarité.
En qualité de touriste, lors de mes séjours aux Antilles, j’ai souvent ressenti une gêne par rapport à la misère d’une partie de la population, hésitant parfois à prendre la photo qui pourrait être interprétée comme du voyeurisme. Le fait aussi d’être assimilé au colon historique, au becquet, par ma couleur de peau. L’hostilité parfois de certains autochtones, ou la caissière qui fait semblant de ne pas voir que c’est à votre tour. Ces petits signes qui illustrent le sentiment de déclassement et la défiance viscérale envers les autorités métropolitaines. Sans compter les erreurs historiques comme la crise du chlordécone, cachée à la population au nom d’intérêts financiers supérieurs. Environ 16 % des Antillais, contre 60 % des métropolitains, ont été vaccinés, et il faudra du temps pour inverser la tendance, si tant est que cela soit possible. En attendant, il faut gérer la situation d’urgence absolue, et l’on ne peut pas dire que la visite du ministre délégué à l’Outremer, Sébastien Le Kéké, pardon, Lecornu, soit de nature à restaurer la confiance perdue.