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Tout et son contraire
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 8 mai 2021 10:42
- Écrit par Claude Séné
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Le gros avantage de la politique du « en même temps » défendue par Emmanuel Macron c’est de s’adapter en permanence à des situations contradictoires et de pouvoir défendre des positions diamétralement opposées selon les circonstances. C’est de cette façon que le président français peut désormais se déclarer « tout à fait favorable » à la levée temporaire des brevets concernant la fabrication des vaccins contre le covid-19, après avoir expliqué longuement que ce n’était pas le cœur du problème, et laissé sa ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, qualifier cette mesure de « fausse bonne idée ».
Toute ressemblance avec la décision surprise de Joe Biden de mettre cette question à l’ordre du jour des discussions dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ne peut évidemment être que pure coïncidence. Comme je l’ai toujours dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et c’est le vent qui tourne et non la girouette. Alors, dans l’ordre, Macron a d’abord déclaré qu’il convenait de faire des vaccins un bien public mondial, suivant en cela la position européenne, d’autant plus facilement que Pasteur et Sanofi ont échoué à mettre au point leur propre formule. Ce vœu pieux n’avait pas été suivi d’effets, et le lobbying de l’industrie pharmaceutique lui avait fait adopter une position de défense des intérêts privés arguant de la nécessité de rémunérer la recherche privée. Accusant son chien de la rage, il identifiait le problème par la difficulté de production industrielle dans les pays pauvres. Exit la suspension des brevets, poussons le programme de coopération internationale, Covacs, en donnant nos doses inutilisées ou en les vendant peu cher. À terme, un transfert de technologie pourrait être envisagé, mais il est toujours aussi urgent d’attendre.
Et si l’on faisait tout cela non pas successivement, ou alternativement, mais simultanément ? Au rythme actuel de production des vaccins, et compte tenu de leur répartition inégale, les pays riches seront, à plus ou moins long terme, saturés de doses inutilisées tandis que les plus pauvres ne seront toujours pas servis. L’intérêt bien compris de l’industrie pharmaceutique serait donc de leur fournir ces vaccins à prix réduit et de leur donner accès aux technologies de fabrication à l’échelon local, quitte à réduire un peu les profits colossaux qui ont permis à un PDG de gagner 3,5 milliards rien qu’à titre personnel, sans compter les profits à l’échelle de l’entreprise. Sans la recherche fondamentale publique sur l’ARN messager développée depuis plusieurs années, les laboratoires privés n’auraient pas pu obtenir des résultats aussi rapides. Limiter un peu les bénéfices ne devrait pas empêcher les entreprises de ce secteur de pousser la recherche et l’innovation, tant les besoins sont immenses. Et l’exemple des maladies orphelines est là pour nous rappeler la nécessité d’une orientation publique qui ne se limite pas aux maladies « rentables ».