Festina lente

Hâte-toi lentement. C’est cette devise antique que semble revendiquer le ministre de la Santé à propos de la campagne de vaccination, commencée dimanche à dose homéopathique. Olivier Véran a dit « assumer » ce démarrage pour le moins prudent, ce qui est la façon moderne de ce pouvoir d’affirmer qu’il se moque éperdument de l’avis de la population et que les décisions viennent d’en haut, que cela nous plaise ou non. Le retard à l’allumage serait dû au surcroît de précautions de notre gouvernement qui ferait les choses beaucoup mieux que ses homologues européens.

La vérité est toute autre. À tort ou à raison, le président de la République, qui décide de tout en dernier ressort, est persuadé que le gouvernement et la classe politique en général ont tellement mauvaise presse qu’il serait contre-productif d’organiser des séances publiques de vaccination des personnalités politiques qui voudraient bien se prêter au jeu. Le ministre de la Santé lui-même évoque les critiques qui ne manqueraient pas de circuler, comme quoi on injecterait un autre produit, inoffensif, ou à l’inverse, que les privilégiés bénéficieraient de passe-droit pour être immunisés. Quand on en est là, on comprend pourquoi à la date d’hier, seules 84 personnes prioritaires avaient reçu la première injection tandis que plus de 18 000 Allemands étaient déjà vaccinés, alors que les doses étaient disponibles simultanément à un jour près dans les deux pays. Olivier Véran annonce que nous allons rapidement rattraper notre retard, une façon d’admettre que les décès constatés en attendant ce rééquilibrage auraient pu être évités. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas démarré la campagne dans tous les Ehpad, avec les volontaires, quitte à y revenir plus tard pour ceux qui changeraient d’avis au vu des premiers résultats que l’on espère positifs ?

Ce manque d’enthousiasme des dirigeants, ajouté aux réserves d’une partie de la communauté scientifique et médicale, explique largement le faible nombre de Français, à peine 40 %, qui se déclarent prêts à se faire vacciner. Si même les promoteurs de la campagne donnent l’impression de ne pas y croire, il sera bien difficile d’atteindre les 70 % de la population nécessaires à l’éradication de la maladie. Avec un modèle jacobin, autoritaire et vertical, on peut être certain de susciter des réactions immunitaires, qui commencent par de la défiance envers la parole des autorités, et peuvent aller jusqu’à la désobéissance civique. On entend déjà des jeunes affirmer qu’ils feront leur fête comme d’habitude le soir de la Saint-Sylvestre, sans se soucier des conséquences, pour eux et pour les autres. La résistance passive pourrait devenir la règle, si ce n’est la rébellion dans des cas extrêmes. On comprend que le pouvoir souhaite éviter l’épreuve de force, dont l’image négative ternirait encore plus un quinquennat qui a déjà eu son lot de crises mal gérées, mais le temps presse.

Commentaires  

#1 jacotte 86 30-12-2020 11:31
qu'aurait fait et dit le général De Gaulle?
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