Annus horribilis

La reine Élisabeth 2 croyait avoir touché le fond en 1992 quand la couronne et la famille royale avaient subi des revers en cascade, les scandales et les malheurs se succédant tout au long de l’année. Rétrospectivement, elle doit relativiser ces évènements qui l’avaient conduite à qualifier cette année d’horrible. Car 2020 aura été encore plus terrible, et pas seulement pour son pays, durement touché il est vrai, mais qui partage ce triste privilège avec la plupart des pays industrialisés, les contrées les plus défavorisées étant relativement épargnées par une sorte de juste retour des choses.

Pour nous, Français, l’année 2020 sera une année à oublier, en espérant pouvoir tourner au plus vite la page de cette satanée épidémie qui a bouleversé nos existences à un point que nous n’aurions même pas pu imaginer. Lorsque nous voyons des images d’archives où les gens se serrent la main, voire s’embrassent comme du bon pain, nous sursautons, comme devant ces films déjà anciens où les personnages fument comme des pompiers, ce que personne n’oserait plus faire de nos jours, de crainte de subir les foudres des défenseurs du politiquement correct. Je me souviens avoir été choqué autrefois de voir Mickael Jackson porter en permanence un masque chirurgical pour se protéger des infections éventuelles, et m’étonner de la facilité avec laquelle les populations asiatiques acceptaient de prendre cette précaution vis-à-vis de la pollution ou de risques sanitaires. J’étais loin d’imaginer que ce serait la norme dans notre pays aussi, et qu’elle serait relativement bien respectée.

Donc, la rétrospective traditionnelle du 31 décembre se résumera pour moi à trois mots : « bon débarras, 2020 ! » Cela dit, on ne peut que souhaiter que 2021 soit l’année du retour à la normale, sans pour autant en avoir la certitude. J’imagine que ce sera la tonalité générale du discours que tiendra le président de la République à 20 heures, l’heure du couvre-feu, après laquelle nul n’est supposé rester hors de chez lui sans avoir une bonne raison pour cela. Notre seul espoir tient au recul de la maladie, et là, nous passons du registre des vœux à celui des bonnes résolutions, et c’est une autre paire de manches. Il ne suffit pas de passer un peu de pommade dans le dos des citoyens en général, et en particulier celui des serviteurs de l’état, personnel soignant, forces de l’ordre, enseignants, que sais-je encore, pour masquer les lourdeurs du fonctionnement bureaucratique et le manque criant de démocratie d’une gouvernance hiérarchisée à l’extrême. 2021 sera dur. Des pans entiers de l’économie auront du mal à retrouver leur niveau précédent la crise. Le gouvernement devra faire des choix pour diriger l’aide publique là où elle sera la plus utile. Faute de quoi, les vœux présidentiels seront, comme souvent, des vœux pieux.