Un haut fonctionnaire égaré en politique

Vous pensez forcément qu’il s’agit de Jean Castex, cet inconnu du grand public, propulsé Premier ministre du jour au lendemain, par la grâce et l’onction d’un président de la République, lui-même sorti de nulle part il y a quelques années dans une ascension stratosphérique. Perdu ! l’expression désignait Maurice Couve de Murville, qui fut l’éphémère troisième et dernier Premier ministre du général de Gaulle, qui n’a pas laissé un souvenir impérissable de son court passage à l’hôtel Matignon.

Couve de Murville, haut fonctionnaire et diplomate, avait cependant été ministre des Affaires étrangères de De Gaulle depuis son retour au pouvoir en 1958, mais n’avait ni la notoriété, ni l’influence de ses prédécesseurs, Michel Debré et Georges Pompidou. On considérait à l’époque qu’après un Premier ministre, Pompidou, qui ne cachait pas ses ambitions, de Gaulle avait nommé un homme lige, pour ne pas dire un homme de paille, pour gérer lui-même la fin de règne provoquée par le séisme de mai 1968. Le parallèle avec la situation actuelle est frappant. D’autant plus que Jean Castex se définit lui-même comme un « gaulliste de gauche ». Que cache cet oxymore, déjà une curiosité politique du temps du général, qui avait fabriqué de toutes pièces ce mouvement censé faire pendant à son aile droite qui formait, déjà, l’essentiel de ses bataillons ? De Gaulle aiguillonnait sa majorité en ces termes : « Attention ! Réveillez-vous ou je sors mes gaullistes de gauche ». Ils servaient de caution sociale au président, mais finissaient toujours par se plier aux exigences réactionnaires et conservatrices, à l’instar de leur chef de file, René Capitant, qui dira le 31 mai 1968 « j’avalerai la couleuvre Pompidou ».

Il ne me parait quand même pas de bon augure que le nouveau Premier ministre se réclame d’un clivage idéologique rattaché à un personnage dont on commémore le cinquantenaire de la mort cette année. Ce n’est pas ce que j’appellerai un gage de modernité. On a surtout l’impression qu’Emmanuel Macron a nommé un commis de l’état, dont il attend qu’il expédie avec discipline et loyauté les affaires courantes, se réservant les grandes orientations et la poursuite de sa politique sociale néfaste, clairement orientée à droite et vaguement ripolinée en vert très pâle dans le meilleur des cas. Une fin de mandat à la Donald Trump dans le but exclusif de briguer sa réélection. Une option risquée où le président se met en première ligne, devenant, de fait, le fusible de son Premier ministre. On a vu grimper la popularité d’Édouard Philippe pendant que chutait celle du Président. Mais Emmanuel Macron, comme il aime à le dire, adore prendre des risques, surtout quand il mise l’argent des Français et non le sien propre.

Commentaires  

#1 jacotte86 04-07-2020 11:28
on prend les mêmes en pire et on recommence
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