Bouts de chandelles

Le budget de la France pour 2025 a finalement été adopté sans vote ni débat, par le truchement du fameux article 49 alinéa 3 de la Constitution et le rejet des motions de censure déposées par la France Insoumise. De l’avis général, ce budget est considéré comme « imparfait » selon ses promoteurs jusqu’à carrément « très mauvais » pour ses détracteurs, y compris les socialistes ou les députés du Rassemblement national, même s’ils n’ont pas voulu prolonger le chaos institutionnel en renversant le gouvernement pour le moment. Et c’est donc après coup que l’on va s’apercevoir des effets nocifs de certaines dispositions passées inaperçues à cause de la méthode permettant de bâcler l’examen du détail des mesures budgétaires.

Parmi ces dispositions, l’abaissement du plafond d’exonération de la TVA pour les microentreprises a déclenché une vague de protestation des intéressés, qui a conduit le gouvernement à revoir sa copie et à renoncer aux 400 millions que devait générer cette réforme. La recette en question est faible, rapportée aux 3300 milliards de la dette publique, mais elle pèserait beaucoup sur les autoentrepreneurs dont les revenus sont généralement très modestes. Lorsque le statut des autoentrepreneurs a été créé le 4 août 2008, il s’agissait de permettre à des personnes de lancer une activité économique, sans pour autant devoir créer une société et simplifier ainsi au maximum les formalités administratives. Moyennant une cotisation globale de 20 %, l’autoentrepreneur s’acquittait à la fois de ses cotisations sociales et de l’imposition correspondante. En cas d’activité nulle sur un mois ou un trimestre, il n’y avait donc pas de prélèvement de charges. De même, il était dispensé de TVA jusqu’à un plafond en fonction de son type d’activité.

Toutefois, il doit maintenant s’acquitter de diverses taxes telles que la cotisation foncière, même s’il ne génère pas de chiffre d’affaires sur une période donnée. Et surtout, l’apparition de plateformes ayant recours aux services de pseudo-micro-entrepreneurs forcés de se déclarer comme tels, mais en réalité véritables salariés sans contrat, a changé la donne. Pour lutter contre cette exploitation de la force de travail s’apparentant parfois à de l’esclavage moderne, les intéressés se sont organisés en fédérations professionnelles. Ce sont elles qui ont tiré la sonnette d’alarme. Elles font remarquer que l’abaissement du plafond conduira les autoentrepreneurs à cesser leur activité au-dessus de ce montant pour ne pas travailler pour rien, voire à la sous-déclarer, avec l’effet pervers d’une baisse des recettes de l’état sur les autres ressources. Les péripéties actuelles ne font qu’illustrer les difficultés et les dérives liées à ce statut d’exception, qui a pourtant permis un surcroît non négligeable d’activité économique, excitant la colère des travailleurs indépendants qui y voient une concurrence déloyale, et la récupération des gros acteurs économiques du secteur, tels que Deliveroo ou Uber. Reste à trouver la compensation indispensable pour conserver l’équilibre budgétaire, au moins sur le papier.