Père Fouettard

C’est le nouveau costume du ministre de l’Intérieur qui revendique, haut et fort, ce rôle en lançant une campagne de lutte contre les drogues, basée, de son aveu même, sur la culpabilisation des consommateurs de produits illicites. Le spot publicitaire de 30 secondes se veut résolument dissuasif en faisant porter la responsabilité de tous les méfaits des drogues sur les consommateurs, en espérant que cela suffira à faire baisser drastiquement un phénomène qui a tendance à gagner du terrain. Le ministre n’est sans doute pas naïf au point d’ignorer que les messages comminatoires et les photos choc qui ornent les emballages de cigarettes n’ont pas dissuadé un seul fumeur réellement accro à la nicotine, de s’en griller une petite.

Tous les spécialistes de santé vous le diront, la culpabilisation des consommateurs, ça ne marche pas. Les usagers de stupéfiants sont très rapidement des victimes, qui plus est consentantes, de leur dépendance au produit, quel qu’il soit. Ils savent très bien les risques qu’ils prennent, et beaucoup se lamentent sincèrement sur leur incapacité à arrêter une consommation qu’ils savent nocive pour leur propre santé et une pratique socialement réprouvée, entraînant fréquemment des difficultés relationnelles au sein de leur famille ou de leur entourage. Leur faire les gros yeux est strictement inefficace. C’est précisément pour échapper à un mal-être, encore plus que pour trouver un oubli salvateur de leur condition quotidienne, qu’ils ont recours à ces substances. Sans oublier le cercle vicieux très rapidement induit par le caractère addictif des drogues utilisées et le poids des routines créant des dépendances, morales et physiologiques.

Bruno Retailleau reconnait qu’il n’est pas médecin et que son domaine de compétence ne comprend pas la dimension de soin qui serait nécessaire pour aider les personnes qui cherchent à sortir de ces comportements addictifs. Même si la campagne publicitaire qui semble destinée principalement à peaufiner son image de gardien de l’ordre républicain en vue de présidentielles plus ou moins prochaines ne coûtera « que » 2 millions d’euros, financés, parait-il, par les saisies de drogue, cet argent aurait été plus utile pour soigner les victimes, directes ou indirectes, de ce fléau. Le ministre de l’Intérieur a évidemment un rôle à jouer, et c’est celui de mettre fin ou de tenter de le faire, au trafic international et à ses ramifications en France. Jamais le commerce de cocaïne ne s’est porté aussi bien, et l’ubérisation de sa distribution, y compris dans les villages, est un phénomène préoccupant. Le démantèlement des points de deal, promis depuis des calendes, se résume à une guerre des gangs avec la lutte pour le pouvoir de bandes rivales que l’état regarde s’entretuer, faute de moyens, en espérant le moins possible de victimes collatérales.