Plus blanc que blanc

Dans son fameux sketch sur les lessives, Coluche se moquait gentiment de la surenchère entre des marques qui feignaient de se faire concurrence, alors qu’en réalité elles s’entendent comme larrons en foire. La situation n’a guère changé d’ailleurs depuis, puisque le marché est toujours dominé par un duopole qui multiplie les dénominations commerciales pour des produits très similaires pour faire croire au consommateur qu’il a le choix. C’est à cela que m’a fait penser le propos qu’aurait tenu Emmanuel Macron, qui se serait dit « disposé à améliorer le projet » de réforme des retraites.

Un mot tout d’abord sur la méthode. Depuis que le gouvernement a enfin précisé ses intentions et que les Français ont clairement montré leur opposition à ce projet en l’état, l’économie du pays est perturbée par les grèves et les manifestations d’une ampleur rarement atteinte sous la 5e république. Et le président ne dit rien officiellement, ne serait-ce que pour prendre acte de la colère du pays. Il prend grand soin de faire filtrer des informations tout en retardant le plus possible le moment inévitable où il devra prendre des décisions, au risque d’aggraver son impopularité dans les couches laborieuses. Lui qui fait semblant de s’apitoyer sur le sort des Français victimes des vilains grévistes, ne fait rien pour hâter le dénouement d’une crise qu’il a lui-même provoquée et éteindre un feu sur lequel ses ministres soufflent jour après jour pour éviter qu’il s’arrête. Le résultat ? Un net glissement à droite de l’électorat macronien, et une personnalisation de l’opposition et du mécontentement contre le président. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, en a fait l’expérience. Venue incognito voir un match du Red Star, elle a été prise à partie par des supporters, qui scandaient : « Macron, démission ! »

Donc le président veut « améliorer » le projet. C’est un peu paradoxal de vouloir rendre meilleure une réforme qu’on nous a vendue comme devant résoudre tous les problèmes. « Moins blanc que blanc, je me doute, ça doit être gris -clair. Mais plus blanc que blanc ? C’est nouveau, ça vient de sortir. » Les exégètes de la pensée présidentielle vont nous expliquer que ce nouveau régime si désirable pourrait être reporté pour les indécrottables qui préfèrent garder leur ancien baril de retraite par répartition, plutôt que de l’échanger contre deux barils de retraite par points. Intuitivement, les Français se doutent que si on leur fait miroiter le fameux cadeau Bonux, il faudra mettre la main à la poche à la fin pour le payer. Demain, on lave plus blanc, semble avoir remplacé l’ancien slogan du rasage gratis. Nous verrons ce qu’il en adviendra en 2022, avec en ligne de mire la grande lessive présidentielle.