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Le gros mot
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 16 décembre 2019 10:29
- Écrit par Claude Séné
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Rassurez-vous, le président Macron est trop bien élevé pour le prononcer. Il s’agit du mot « négociation » qui ne fait visiblement pas partie du vocabulaire inculqué dans les milieux favorisés où a grandi le jeune homme propulsé à la tête de l’état par un concours de circonstances improbable. Devant la menace de paralysie générale du pays à cause d’une réforme des retraites mal ficelée, et aussi d’un mécontentement larvé d’une bonne partie de la population, tout ce qu’il a à proposer c’est de « discuter ».
Après 18 mois de consultation, on peut espérer que le pouvoir connait la position des acteurs sociaux. Elle n’a pas varié. Le Président a choisi délibérément de s’opposer frontalement au seul syndicat a priori favorable à une retraite par points, la CFDT, et feint de s’étonner par ministres interposés que la situation reste bloquée à la veille des fêtes de Noël. C’est le Premier ministre qui a été désigné pour « aller au charbon » et sa porte, dit-on, est grande ouverte. Ça tombe bien, parce qu’une porte, ça marche dans les deux sens : pour rentrer, mais aussi pour sortir. Un détail que semble ignorer Jean-Paul Delevoye, le Monsieur Retraites qui se révèle surtout être Monsieur Assurances, un milieu qui l’intéresse visiblement au plus haut point et auquel il ferait mieux de retourner. Quant à Édouard Philippe, s’il affecte de ne pas craindre la rue, il sait parfaitement qu’il joue son poste dans la bagarre et qu’il ne survivrait pas à un échec de la réforme, victime expiatoire pour protéger le Président, véritable responsable de la situation.
Tout ce que ce gouvernement sait faire, c’est de proposer une « concertation », un ersatz de la « négociation » qui écorche la bouche de nos dirigeants et qui impliquerait un dialogue d’égal à égal entre les partenaires sociaux. On aura remarqué que le patronat n’a émis aucune critique sur le projet, preuve de son orientation et sa partialité évidente. Au moment où l’on met l’expression « Grenelle de » à toutes les sauces, où le pouvoir se gargarise de démarche paritaire et de démocratie participative à coups de grands débats, il serait temps d’ouvrir enfin des négociations réelles sur les sujets qui préoccupent les Français. En mai 1968, sous la pression des manifestations et des grèves généralisées, le gouvernement avait proposé une rencontre au ministère du Travail. De ces accords de Grenelle était sortie une revalorisation massive du SMIG et des bas salaires, avec l’engagement du patronat et la caution du gouvernement. Ce qui était réputé impossible, sauf à précipiter la France dans la faillite, s’était révélé tout à fait faisable, à l’image des accords Matignon de 1936. Si le Président ne veut pas dire qu’il va négocier, il serait pourtant bien inspiré de le faire avant que les choses ne dégénèrent encore davantage.