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La mauvaise lettre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 15 janvier 2019 10:36
- Écrit par Claude Séné
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Étant né en Bretagne, j’ai nécessairement été pris dans la guerre scolaire opposant l’école laïque, celle de la gueuse, à l’école confessionnelle, celle des koinks, comme on l’appelait pour des raisons que je n’ai jamais pu éclaircir. Avec une mauvaise foi assumée, nous prétendions que chez les curés, on faisait apprendre l’alphabet en évitant soigneusement de prononcer une certaine lettre, ce qui donnait à peu près ceci : « abcd… mnop, la mauvaise lettre, rstu… » Cette légende, bien que fausse, était plausible du fait de la pruderie et de l’hypocrisie bien réelles qui régnaient à l’époque dans les écoles privées.
Dans le courrier que le président s’apprêterait à envoyer aux Français et dont le contenu a déjà paru dans la presse et sur les réseaux sociaux, ce n’est pas la lettre Q qui a été omise, telle le E dans le livre performance de Georges Perec, la disparition, mais bien trois lettres, cependant sur toutes les lèvres : le I, le S et le F. il faut pourtant avoir les oreilles solidement obturées, comme celles des compagnons d’Ulysse cherchant à se protéger du chant des sirènes, pour ne pas entendre la revendication massive qui monte du pays et dont les gilets jaunes se sont fait les porte-voix, sur le rétablissement de cet impôt qui symbolise les cadeaux faits aux plus riches par ce président dès son arrivée au pouvoir. Emmanuel Macron s’entête à exclure du débat le principe de cet impôt, alors qu’il prétend n’avoir aucun tabou, ce qui est pour le moins maladroit. Chacun sait bien qu’au bout du compte, il a l’intention de ne renoncer à aucune de ses pratiques libérales, et il aurait pu traiter cette question comme les autres : le peuple propose, et je dispose. À force de sacraliser une mesure, qui, pour les Français, symbolise l’injustice fiscale plus qu’un rendement et une ressource cependant non négligeable, Macron fait de l’ISF un totem, au risque de devoir capituler symboliquement sur ce point pour éviter de perdre encore plus gros.
Le président pose de nombreuses questions aux Français, 35 pour être précis, ce qui est trop ou pas assez. Pour un débat ouvert, les grands thèmes évoqués à l’origine suffisaient. Sélectionner une trentaine de questions laisse penser que toutes les autres sont exclues. Pas un mot sur la misère sociale ou le mal-logement par exemple. Sans compter que la formulation des questions peut être tendancieuse et viser à orienter les conclusions, comme lorsque l’on demande quel impôt il faudrait supprimer et quelle dépense de l’état en regard, sans évoquer à aucun moment la justice et l’équité fiscale. Cette fameuse lettre, si elle est vraiment acheminée par la poste, aura du moins donné du travail aux postiers dont la profession est fortement menacée.