Décence et catastrophe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 20 août 2018 10:33
- Écrit par Claude Séné
Voilà près d’une semaine que s’est produit l’effondrement du viaduc autoroutier dans la banlieue de Gênes. Le bilan humain de la catastrophe est désormais connu : 43 personnes ont perdu la vie dans cet accident inimaginable et les recherches pour trouver d’éventuels survivants ont désormais été abandonnées. À la légitime colère de l’opinion publique italienne le gouvernement fraîchement issu des élections générales a répondu par avance en désignant la société Autostrade à la vindicte populaire, pour mieux se dédouaner de toute responsabilité. Une attitude qui ne fait que confirmer ce qui leur a permis de se hisser au pouvoir : un populisme d’extrême droite.
Dans l’Ancien Testament se trouve décrite une scène où le grand prêtre met sur la tête d’un bouc tous les péchés d’Israël, puis le chasse dans le désert afin d’éradiquer la source du mal. Un épisode connu sous le nom du bouc émissaire, et qui se perpétue sous des formes diverses dans nos sociétés modernes. Le peuple italien, sans doute échaudé par de nombreux scandales liés à la corruption dans une société gangrenée comme beaucoup d’autres par les mafias, a spontanément réagi en réclamant des têtes, ne croyant visiblement pas à la fatalité ou à la malchance comme cause de cet accident. Qu’à cela ne tienne. Le ministre de l’Intérieur, Salvini, et son acolyte, le vice-premier ministre Di Maio, ont déjà désigné le coupable idéal : la société autoroutière qui n’aurait pas réalisé les travaux d’entretien nécessaires en temps utile, oubliant au passage que c’est à la puissance publique de s’assurer de la conformité des installations concédées à des sociétés de droit privé. Ce serait peut-être utile de balayer devant sa propre porte avant de se décharger de toute responsabilité. Pour l’instant, il est encore trop tôt pour connaitre les résultats d’une enquête nécessairement longue si on la veut approfondie.
Bien que je défende absolument le service public pour de multiples raisons, je dois reconnaitre que les autoroutes concédées en France à des sociétés privées semblent respecter à la lettre leur cahier des charges concernant l’entretien des voies de circulation, contrairement à l’état qui rogne sur les dépenses, y compris les plus urgentes. Le reproche serait plutôt du côté des tarifs, de plus en plus exorbitants. Les réductions annoncées du nombre de fonctionnaires pourraient rendre difficile le contrôle nécessaire à ce bon fonctionnement. La coalition au pouvoir en Italie tente de récupérer à son profit une juste indignation, allant même jusqu’à accuser Bruxelles de les empêcher d’utiliser les crédits disponibles. Une tentative pitoyable de rameuter des soutiens en surfant sur un anti européanisme primaire et en jouant sur l’émotion soulevée par un drame spectaculaire, sans respecter un délai minimal de décence vis-à-vis des victimes et de leurs proches. Espérons que tout cela se paie un jour.