Économies

J’avais été assez surpris que des économistes distingués et non des moindres, appellent de leurs vœux le retour d’une certaine inflation, supposée doper la croissance. Je me disais qu’ils devaient avoir du petit personnel chargé de faire les courses à leur place pour ne pas avoir remarqué que les produits saisonniers étaient disponibles de plus en plus tôt, mais de plus en plus chers et qu’ils ne baissaient guère en période de pleine production. Ils vont pouvoir se réjouir : en juillet, les prix ont augmenté de 2,3 %.

Cela nous ramène à une période où ces taux étaient monnaie courante, si j’ose dire, avec une différence de taille : l’augmentation des prix allait de pair avec une évolution parallèle des salaires. Pendant un temps, les deux phénomènes se nourrissaient l’un l’autre puisqu’on avait même « inventé » l’échelle mobile des salaires, qui faisait indexer les salaires sur les évolutions des prix. Les hausses de salaire entraînaient mécaniquement une élévation des prix de revient et donc une hausse des prix à la consommation. Bien sûr, la tentation était grande de manipuler le calcul de l’indice pour minimiser les hausses de salaire, et les gouvernements n’y résistaient pas. Moyennant quoi, de grandes grèves les contraignaient parfois à lâcher du lest. Ces concessions forcées étaient rattrapées par des dévaluations, par moments officielles, à d’autres, rampantes, grâce à l’émission de monnaie sans contrepartie en faisant « marcher la planche à billets ». L’intérêt du système pour les sans-grades dans mon genre était de permettre d’emprunter pour se loger en comptant sur la baisse relative des mensualités, et j’en ai effectivement bénéficié.

L’inflation de nos jours se traduit par une baisse immédiate du pouvoir d’achat pour la grande majorité de nos concitoyens, bien en peine de négocier des augmentations de salaire, même quand les entreprises sont bénéficiaires comme Air France ou SNCF. La période de croissance continue connue sous le nom des « Trente glorieuses » est bel et bien terminée, et le « grain à moudre » cher à André Bergeron quand il dirigeait le syndicat Force Ouvrière se fait de plus en plus rare. Les fonctionnaires en particulier, dont le salaire est gelé depuis des temps immémoriaux et pour longtemps encore, du moins pour les rescapés des coupes claires promises par le candidat Macron, seront les grands perdants de l’opération, ainsi que les retraités, déjà dans le collimateur du gouvernement. Quant à tous ceux dont les ressources sont calculées sur l’indice des prix à la consommation, comme les smicards et les bénéficiaires de minimas sociaux, ils ne peuvent espérer, au mieux, qu’un maintien de leur pouvoir d’achat, tandis que leurs maigres économies, s’ils en possèdent, se déprécieront lentement mais sûrement sur leur livret d’épargne.