Jusqu’où peut aller Erdogan ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 17 novembre 2016 10:23
- Écrit par Claude Séné
Depuis que la Turquie a été l’objet d’une tentative de putsch dont personne ne sait à qui il était censé profiter, son président, Mr Erdogan, multiplie les arrestations de ses opposants et s’emploie à museler systématiquement la presse, accusée de servir les « terroristes ». Entendez par là tous ceux qui ne soutiennent pas le régime, amalgamant les véritables islamistes de Daech, les séparatistes kurdes et les partisans de la liberté d’expression. Parmi eux, un journaliste français retenu plusieurs jours par les autorités au motif qu’il ne possédait pas d’accréditation pour couvrir le conflit près de la frontière syrienne.
Sa nationalité française lui a permis d’être libéré assez rapidement, mais il n’a pas pu faire son métier et a été expulsé. Un sort plus enviable que celui du directeur d’un journal d’opposition, toujours enfermé depuis son arrestation, dernière victime en date de l’arbitraire du pouvoir. Malgré la dérive autoritaire du pouvoir turc, les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ne sont pas rompues officiellement. Les gouvernements européens font preuve d’une mansuétude exceptionnelle envers ces manquements aux libertés fondamentales en échange de l’accueil de millions de réfugiés sur le sol turc, pour lesquels ils préfèrent dénouer les cordons de la bourse, plutôt que de les accepter chez eux, exactement comme procède l’Angleterre avec la France. Tout au plus, la commission envisage de faire les gros yeux si Mr Erdogan va au bout de la démarche permettant de rétablir la peine de mort. Au nom de cette realpolitik, rien ne s’oppose à ce que la Turquie finisse par obtenir son intégration à un espace économique auquel ni l’histoire ni la géographie ne la rattache. À moins que Mr Erdogan ne décide finalement de renoncer de lui-même pour avoir les coudées encore plus franches.
Nous pourrions donc appartenir à une même communauté qu’une dictature patentée, sans le moindre droit de regard sur sa politique intérieure. Un peu comme si la Corée du Nord adhérait à l’Union européenne, si je pousse le raisonnement à l’extrême. Par le fait, à bien des égards, la politique d’un Victor Orban en Hongrie n’est pas plus respectueuse de la liberté de la presse que celle de Mr Erdogan. Et nous ne sommes pas à l’abri de la résistible ascension d’un Arturo Ui moderne, car le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. Qui peut savoir si l’extrême droite ne parviendra pas au pouvoir dans un pays européen, y compris le nôtre ? Et dans ce cas, il n’existe aucun moyen d’exclure ce pays s’il ne décide pas de se retirer volontairement. Brrr !
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