Paradis fiscal

Qui l’aurait cru ? À la liste des paradis fiscaux bien connus, tels que les îles Vierges, les îles Caïmans ou les Bermudes, il convient d’ajouter la France, du moins pour la fraction la plus riche de sa population, qui échappe, de manière tout à fait légale, à l’imposition sur le revenu, tout en ne payant qu’une somme dérisoire sur son patrimoine, avec ce qui reste de l’impôt sur la fortune immobilière. Le constat dressé par Gabriel Zucman, un économiste de renom, est sans appel. Si les classes moyennes et aisées payent un impôt sur le revenu assez conséquent, et progressif, les ultrariches payent en proportion beaucoup moins.

Au moment où le gouvernement provisoire de François Bayrou cherche désespérément à trouver un budget pour 2026, et les années suivantes, qui résoudrait la quadrature du cercle, tout en ne créant pas d’impôt nouveau, la taxe « Zucman », qui consisterait à faire payer un minimum de 2 % de leur patrimoine aux milliardaires, rapporterait environ 20 milliards par an, soit la moitié des recettes supplémentaires attendues, en ne taxant que 1800 foyers fiscaux. Une idée alléchante reprise par le groupe écologiste qui l’a soumise au vote du Parlement. Si le texte a été approuvé en première lecture par les députés, grâce à un pacte de non-censure entre le gouvernement et une partie de l’opposition, il a été rejeté par les sénateurs, et devra refaire le cheminement législatif, ou être intégré dans la loi de finances. C’est, semble-t-il, la voie retenue par le Premier ministre, qui en profiterait pour en réduire la portée en en faisant une mesure parmi d’autres, ne rapportant plus que 2 milliards d’euros.

C’était pourtant l’occasion pour le président et le gouvernement de se réconcilier avec la plupart des Français qui approuvaient à 70 % selon un sondage en janvier 2025, une mesure de cet ordre. Trois sur quatre des électeurs LR, comme ceux de Renaissance, plébiscitaient même la mesure. L’obstacle principal serait donc la conviction d’Emmanuel Macron lui-même, insensible à la critique récurrente depuis le début de son premier mandat, d’être « le président des riches », ce qui se confirme de jour en jour. Il nous a d’abord servi son idéologie fumeuse du « ruissellement » dans une première phase, selon laquelle les cadeaux financiers accordés aux nouvelles 200 familles, devraient se répercuter sur les revenus des plus pauvres, qui les attendent encore. Désormais, il faudrait épargner les ultrariches de crainte de les voir s’évaporer comme neige au soleil pour se réfugier vers des pays plus accommodants. C’est oublier un peu vite que personne n’a à gagner dans cette forme de dumping fiscal, où il y aura toujours quelque part un « mieux disant » pour faire profiter des effets d’aubaine.