
Fourches caudines
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 12 juin 2025 11:22
- Écrit par Claude Séné

Souvenons-nous. Il n’y a pas très longtemps que je commentais ici même la rupture entre Elon Musk et Donald Trump, qui allaient aussi loin qu’il est possible dans le dénigrement mutuel, le premier accusant le second d’être compromis dans le scandale pédocriminel autour de Jeffrey Epstein, à quoi le Président Trump répliquait en le traitant de fou. On pouvait alors estimer que ces deux fortes têtes étaient prêtes à sacrifier les intérêts de leur pays plutôt que d’envisager une impossible réconciliation. Et pourtant, Elon Musk s’est fendu d’un tweet sur son réseau social par lequel il reconnaissait « qu’il était allé trop loin » dans ses critiques de Donald Trump, qui, de son côté, sans accepter des excuses qui ne lui avaient pas été présentées formellement, se déclarait satisfait de son geste.
Il paraît très improbable que ces deux démarches combinées soient le fruit du hasard. Il faut plutôt y voir le résultat d’un accord permettant aux deux protagonistes de sortir de cette situation inconfortable, nuisible aux affaires, qui sont le moteur principal des deux business men. Toutefois, la situation n’est pas symétrique. Seul Elon Musk a dû faire amende honorable, montrant clairement qui était sorti vainqueur de ce bras de fer. Il est évident que le statut politique du président des États-Unis, qui lui garantit une immunité totale dans l’exercice de ses fonctions, et remet aux calendes toute mise en cause sur ses affaires privées, constitue un avantage décisif dans l’épreuve de force imposée à Elon Musk. L’homme d’affaires dépend de l’état fédéral pour lui passer des commandes au nom de la NASA. Trump lui a également servi de faire valoir pour vendre ses voitures Tesla, en perte de vitesse dernièrement à cause de la personnalité erratique de leur PDG. Par ailleurs, Elon Musk fait l’objet de plusieurs actions en justice concernant l’acquisition et la gestion de ses entreprises, et le soutien présidentiel pourrait être décisif.
De son côté, Donald Trump s’est lancé dans une croisade contre son opposition qu’il accuse d’impéritie en montant en épingle des émeutes notamment en Californie, et cela suffit à l’occuper pour le moment, en prévision d’une possible nouvelle guerre civile. Il est en mesure d’imposer ses conditions, et c’est sans doute ce qui s’est produit. Un peu comme dans l’épisode antique dit des Fourches caudines, quand l’armée romaine, prise au piège d’un étroit défilé, avait été contrainte de s’humilier devant ses ennemis, les Samnites, en se courbant pour passer sous un joug ordinairement utilisé pour des animaux tirant la charrue, en subissant les railleries et les quolibets des vainqueurs. Donald Trump marque indéniablement le point, mais il s’aliène durablement le milliardaire, qui ne l’a rejoint que tardivement, avec moins de conviction qu’il ne l’a laissé paraître.