Les ploucs le saluent bien

« Hein ? mais non je ne l’ai pas dit ». Dans le célèbre sketch du Schmilblick de Coluche, son comparse, Martin Lamotte jouant le rôle de Guy Lux, s’exclame : « je vous rappelle que le schmilblick est un œuf, et un œuf ne fait pas de politique, voyons », avant de rectifier sans sourciller. C’est à peu près la mésaventure qui est arrivée à Nicolas Sarkozy qui aurait déclaré en « off » que son électorat, c’étaient des ploucs. Une information publiée dans l’Obs, reprise dans de nombreux médias et démentie par l’entourage du candidat.

Les propos ayant été tenus lors d’un déjeuner avec des journalistes de l’AFP, l’agence s’est fendue « spontanément » d’une lettre d’excuses tellement alambiquée qu’un doute subsiste largement. Le président de l’AFP regrette que la règle de confidentialité n’ait pas été respectée et que les propos aient été « mal rapportés » et sortis de leur contexte. Ah ! le fameux contexte, ce pelé, ce galeux, qui déforme systématiquement la pensée des politiques. Selon la défense, ce sont les adversaires de Sarkozy qui affirment qu’il est soutenu par des ploucs. Mouais. Une manière de reconnaitre implicitement la petite phrase tout en essayant de la désamorcer. Le problème de Sarkozy, c’est que cette opinion est très plausible après le « casse-toi, pauv’con » prononcé en public, celui-là. On peut même trouver son langage très châtié par rapport à sa vulgarité habituelle. Il aurait pu parler de bouseux, par exemple, que ça n’aurait surpris personne.

Cette histoire n’est pas sans rappeler le scénario d’un film d’Elia Kazan, « un homme dans la foule » dans lequel le présentateur vedette d’une émission populiste se trahit et se discrédite en exprimant tout son mépris pour la populace qui le soutient en oubliant que son micro est encore ouvert. C’est un peu ce qui est arrivé à Donald Trump avec la diffusion de ses propos sexistes et méprisants à l’égard des femmes. L’AFP s’excuse, à tort, d’avoir laissé filtrer des déclarations faites hors de la campagne officielle. C’est oublier que le « off » n’existe plus, et depuis longtemps. Les politiques eux-mêmes utilisent ces contacts informels avec les journalistes pour balancer des informations ou tester des petites phrases assassines sur leurs adversaires, en sachant très bien que ce sera repris. C’est un jeu pervers qui ressemble à celui auquel se livrent les people avec les journaux à scandale. D’un côté, ils s’en servent et parfois monnayent leur complicité dans des reportages et des photos soi-disant volées, de l’autre, ils les poursuivent en justice quand le résultat ne leur convient pas. J’espère que les ploucs sauront se souvenir et réserver à Nicolas Sarkozy la fantasia qu’il mérite.