Enfin !

Ce n’est pas trop tôt. On finissait par croire que cela n’arriverait jamais. Les téléscripteurs des agences restaient désespérément silencieux, quand enfin les nouvelles sont tombées. Comment ça, il y avait déjà eu des signes précurseurs les mois précédents ? Vous n’y êtes pas du tout. Je ne vous parle pas de la baisse historique du chômage de 1,9 % pour le mois de septembre dont tout le monde se fout, mais bien des premiers incidents pendant l’évacuation de la jungle de Calais. Rendez-vous compte. 800 journalistes du monde entier accrédités pour couvrir l’évènement et pas le moindre drame à se mettre sous la dent.

Avouez que c’est quand même rageant. Les opérations de transfert des migrants qui avaient débuté lundi matin se poursuivaient sans conflits ni anicroches majeures depuis deux jours. Les personnes appelées à choisir tant bien que mal une destination avaient l’air contentes de quitter un camp insalubre et semblaient se résigner aisément à troquer leur rêve d’Angleterre contre un accueil bien réel. L’idée de dormir au chaud, pour changer, n’était sans doute pas étrangère à leur acceptation et la perspective de passer un hiver dans le froid et l’humidité dans des conditions indignes a dû y être pour beaucoup. Les envoyés spéciaux étaient obligés de se contenter des files d’attente de migrants disciplinés. Pas le moindre bulldozer de démolition à filmer, tout se faisait à la main, le néant, quoi !

Heureusement, mardi soir, quand le plus gros du contingent de migrants avait pris les cars qui les emmenaient vers les centres d’accueil disséminés dans toute la France et qu’il ne restait plus que les opposants les plus déterminés à rester sur place, notamment ceux qui avaient décidé de s’installer pour commercer, on a commencé à voir enfin quelque chose se passer. Des feux d’origine volontaire ont été allumés, brûlant les habitations de fortune de leurs anciens occupants. Quelques bouteilles de gaz utilisées pour la cuisine ont explosé. Le tout formant des images bien spectaculaires de flammes rouge vif et d’épaisse fumée noire. Bon, on n’en était pas tout à fait au célèbre « à feu et à sang », mais on avait déjà le feu, ce qui est mieux que rien pour un journal de 20 heures. Finalement, les derniers migrants ont quitté le camp de La Plaine, les opérations de déblaiement se poursuivent, les mineurs isolés attendent une solution pour rejoindre leurs proches en Angleterre. Globalement, l’opération a réussi. Mais les médias ne se font pas de souci. Les plus irréductibles candidats à la traversée se sont disséminés dans la région. Ils seront bientôt rejoints par de nouveaux malheureux attirés par ce miroir aux alouettes, et les images continueront à se vendre.