Tempérament

Les observateurs au fait des arcanes de la politique américaine ont désigné Hillary Clinton vainqueur du premier débat télévisé qui l’a opposée à son rival Donald Trump la nuit dernière. Un des enjeux de cet affrontement consistait déjà à éviter les gaffes, ce que n’a pas complètement réussi le milliardaire républicain, qui n’a pas pu s’empêcher d’attaquer son adversaire de façon outrancière. Au cours du débat, Donald Trump a réussi involontairement à faire rire le public en prétendant qu’il avait un bien meilleur « tempérament » qu’elle. Cette réaction spontanée nous indique une nuance de taille dans la compréhension de ce vocable.

Si le mot tempérament s’écrit de la même manière, à un accent près, en anglais et en français, son usage, visiblement, l’a entraîné vers le sens de caractère, bon de préférence, chez nos amis d’outre-Atlantique. D’où la saveur d’entendre le colérique Donald Trump, réputé pour ses sorties peu amènes, critiquer Hillary Clinton pour son « tempérament », comme nous dirions chez nous qu’elle perd facilement ses nerfs, ce qui est l’exact opposé de l’image qu’elle donne. Personnellement, je lui reprocherais l’inverse : elle présente une façade de sourire perpétuel, assez peu crédible, et manque singulièrement de naturel.

Cet exemple de champ sémantique est assez intéressant, puisqu’il démontre comment l’usage peut modeler une langue. Dans l’origine de ce mot, on retrouve cette notion d’accord, d’équilibre, qui se montre dans notre climat dit tempéré, ou dans le clavier de Jean-Sébastien Bach. Mais très vite également apparait le sens de personnalité. Avoir du tempérament signifiera avoir un caractère affirmé, fort, et parfois montrer du goût pour les plaisirs charnels. C’est le sens d’adoucissement ou de modération qui s’impose dans la vente à tempérament, qui permet, grâce au crédit, d’étaler une dépense dans la durée. Le tempérament a une origine commune avec la température, la notion de temps, et elle persiste de nos jours. Donald Trump a tendance à faire monter la température partout où il passe et il se fait remarquer par un tempérament querelleur et agressif. La campagne est loin d’être terminée, mais le doute subsiste sur ses capacités à durer dans le temps avec le positionnement qu’il a choisi, qui consiste à attaquer tout et tout le monde pour rallier successivement des électorats antagonistes. Aucun président américain n’a jusqu’ici réussi à se faire élire sans un vote relativement important des communautés noires ou hispaniques qu’il n’a cessé de vilipender, mais cette élection est particulière dans le sens où le vote de rejet est plus important que le vote d’adhésion. Quel tempérament l’emportera ? Il est encore trop tôt pour le dire.