À la godille
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 17 septembre 2016 10:30
- Écrit par Claude Séné
J’ai toujours été fasciné par la dextérité avec laquelle les marins bretons étaient capables de faire avancer leur canot à la seule force de la rame unique placée à l’arrière par un mouvement spécifique grâce à la technique dite de la godille. Mes rares essais en la matière, outre qu’ils sont restés largement infructueux au regard de l’énergie dépensée dans l’exercice, m’ont persuadé de la nécessité d’un apprentissage en règle, mais aussi du fait qu’il fallait tomber dedans dès le plus jeune âge. De même qu’il vaut mieux avoir le fondement breton pour danser la gavotte ou le jabadao.
On voit beaucoup de touristes pleins de bonne volonté et d’ardeur s’essayer aux danses bretonnes dans les fest-noz (fêtes de nuit), sans parvenir à s’approcher de la classe des anciens, dont le haut du corps reste d’une rectitude absolue tandis que les jambes exécutent le pas. Sur le plan politique, nombreux sont ceux qui s’essaient à la godille, mais leur maitre à tous est sans conteste Nicolas Sarkozy qui nous a délivré une nouvelle démonstration de son talent à la télévision jeudi soir. Pour être honnête avec vous, j’avoue ne pas m’être infligé le pensum de le regarder en direct, les comptes rendus du lendemain m’ont largement suffi pour apprécier les circonvolutions du personnage. Le mouvement de la godille consiste à effectuer un huit dans l’eau de façon à propulser le canot tout en maintenant sa trajectoire. Bien exécuté, il occasionne peu de secousses et ne fait pas dévier le bateau de sa direction. Avec Sarkozy, les à-coups sont nettement perceptibles. Je n’en prendrai que deux exemples.
Après avoir fait mine d’être converti à l’écologie pour flatter une partie de l’électorat en organisant le « Grenelle de l’environnement », le voilà qui rejoint le camp des climato-sceptiques en niant ou en relativisant le rôle des activités humaines dans le réchauffement de la planète. On ignore à quel moment il exprime sa conviction profonde, peut-être parce qu’il n’en possède aucune, à part celle de l’opportunisme. Pas plus de continuité dans les propositions à propos de la crise des migrants et de l’attitude à tenir vis-à-vis de l’Angleterre. Il propose de lui envoyer les candidats à l’immigration qui se massent à Calais, alors que c’est lui qui a signé les accords du Touquet à l’origine de la situation actuelle. Il n’est pas interdit à un politique de changer d’avis, encore faut-il que ces fluctuations soient expliquées et justifiées. Faute de quoi, les passagers du canot, c’est-à-dire nous, sont condamnés à subir les secousses et l’inconfort d’un godilleur brutal qui change de cap sans arrêt et qui ne sait probablement pas lui-même où il va.