Un train de retard
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 15 septembre 2016 10:33
- Écrit par Claude Séné
C’est le sentiment que donne le gouvernement français dans cette annonce de transfert d’activité d’Alstom de Belfort vers le Bas-Rhin. Un étonnement d’autant plus incompréhensible que l’état français, qui détient 20 % du capital de l’entreprise, dispose de deux postes d’administrateurs qui n’ont pas manqué de prévenir leur ministre de l’époque, un certain Emmanuel Macron, qui s’est engagé à garantir l’emploi sur le site de Belfort avant de déserter en rase campagne, laissant le soin à son successeur de tenir ses promesses. Une affaire qui embarrasse le pouvoir en rappelant fâcheusement celle d’Arcelor en 2012.
La fermeture annoncée du site de Belfort est évidemment un drame humain pour les 400 employés qui se voient proposer un reclassement à 200 kilomètres de chez eux, alors que la plupart sont propriétaires de leur maison, par ailleurs difficilement vendable dans la situation actuelle de l’immobilier. Un signal politique désastreux à quelques mois d’une échéance électorale majeure, alors que la cote du président sortant est au plus bas et n’a vraiment pas besoin de mauvaises nouvelles supplémentaires. La tentation est grande pour lui de tenter de renverser la logique industrielle en regonflant artificiellement le carnet de commandes d’Alstom, grâce à la SNCF, dont l’état est l’actionnaire tout puissant. Il est donc question de faire fabriquer des locomotives pour renouveler le parc français des chemins de fer et de la RATP, au risque de se faire sanctionner par Bruxelles au nom du respect des règles de la concurrence. Car même si, comme le préconise Jean-Luc Mélenchon, l’état nationalisait Alstom, il ne pourrait pas s’affranchir totalement des règles d’appel d’offres qui régissent les marchés publics. Faute de quoi, les concurrents, et ils sont nombreux, ne manqueraient pas de saisir les instances compétentes.
Cette fois encore, deux logiques s’affrontent dans ce dossier. Le groupe Alstom est loin d’être en difficulté financière depuis le rachat de sa branche énergie par l’américain General Electric en 2014. Ses activités internationales sont largement bénéficiaires et les carnets de commandes à l’étranger sont bien remplis. Ce sont les commandes intérieures qui ont chuté, d’une part du fait de la crise financière et des restrictions budgétaires, notamment sur le fret, et d’autre part par une perte de compétitivité au profit de l’allemand Vossloh ou du canadien Bombardier, mieux placés. La question est de savoir si la France peut se permettre d’abandonner ses fleurons technologiques et se mettre ainsi à la merci d’intérêts étrangers dans les secteurs sensibles de son économie. Ceux qui aiment Alstom prendront le train, même en marche.