Serial menteur

Les époux Cahuzac comparaissent en audience correctionnelle pour le blanchiment et la fraude fiscale révélés en décembre 2012 par le journal Mediapart. Autant Patricia Cahuzac assume ses responsabilités dans cette affaire en reconnaissant que ni elle ni son mari ne pouvaient ignorer être dans l’illégalité la plus complète en dissimulant une grande partie de leurs revenus sur des comptes secrets en Suisse, autant Jérôme Cahuzac ne peut pas s’empêcher de chercher à s’exonérer totalement ou partiellement de son comportement en se trouvant de mauvaises excuses. Pour commencer, il trouve le moyen d’impliquer Michel Rocard, récemment disparu, dans ses magouilles toutes personnelles.

Il prétend avoir ouvert son premier compte illégal pour recueillir des fonds destinés à financer l’éventuelle campagne de l’ancien premier ministre, qui n’aurait pas été informé de la chose. Une manière de le mouiller indirectement tout en ne l’accusant de rien, histoire de bien montrer qu’il navigue dans des eaux où la loi commune ne s’appliquerait pas. Même technique vis-à-vis de François Hollande, dont il affirme ne pas avoir eu à lui mentir « les yeux dans les yeux » puisque la question précise de l’existence de ses comptes cachés ne lui aurait pas été posée explicitement. Un petit mensonge mesquin pour masquer le plus gros, connu de la France entière lorsqu’il a déclaré à l’Assemblée nationale ne pas avoir et n’avoir jamais eu de compte à l’étranger. Il reconnaît aussi avoir traité de « conneries » les accusations de la presse en réponse aux questions du Président.

Le problème, c’est que Jérôme Cahuzac a tellement menti, et avec un tel aplomb, que l’on ne peut comparer qu’avec celui de Lance Armstrong quand il affirmait ne s’être jamais dopé avant d’avouer ses tricheries systématiques, a perdu toute crédibilité, au point de paraître insincère quand il énonce des faits avérés. S’il affirmait qu’il fait beau, la France entière se demanderait ce qu’il espère y gagner. Il a pourtant eu probablement un moment de vérité pendant l’audience, et c’est quand il s’est apitoyé sur son propre sort, en versant des larmes sur son destin brisé alors qu’il était un des politiques les plus puissants de France, promis à un bel avenir. Il ne peut pourtant s’en prendre qu’à lui- même et son amour immodéré du gain et du grand train de vie, puisque son épouse reconnaît qu’ils n’avaient pas réellement besoin de frauder pour bien vivre. Il faut quand même noter une suprême injustice puisque le prix du politique le plus menteur de l’année a été attribué à Marine Le Pen, un titre qui aurait dû lui revenir, de toute évidence.