Le verre à moitié vide
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 5 septembre 2016 10:44
- Écrit par Claude Séné
La molécule du Baclofène est disponible depuis 1975 et servait à l’origine à traiter les tensions des muscles au niveau de la moelle épinière. Mais sa popularisation est due à l’expérimentation « sauvage » sur lui-même du Dr Ameisen, qui s’en est administré des doses massives pour lutter contre sa dépendance à l’alcool, dont il a finalement réussi à se débarrasser. Il a relaté son expérience dans des revues scientifiques et dans un livre grand public, ce qui a amené de nombreux praticiens à le prescrire en dehors de son autorisation de mise sur le marché.
Depuis 2014, le médicament fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation dans le traitement de l’alcoolisme, mais il manquait encore des essais thérapeutiques pour valider son éventuelle AMM dans le cadre d’une addiction. C’est à présent chose faite, du moins partiellement, avec la publication de deux études, qui tendent à prouver son efficacité. À chaque essai, le traitement était administré à un groupe de patients, tandis qu’un groupe témoin recevait un placebo. Les résultats montrent une efficacité significativement plus importante en faveur du Baclofène pour obtenir une réduction importante de la consommation. Plus de la moitié des patients a réussi à abaisser sa consommation en dessous du seuil jugé acceptable. Mais 36 % du groupe témoin a obtenu le même résultat, démontrant ainsi que la réputation flatteuse du Baclofène lui assurait une partie de son efficacité.
Du côté du verre à moitié vide, on retiendra que le Baclofène ne fait guère mieux que le placebo pour aboutir à une abstinence totale, considérée comme garante contre la rechute. Un peu plus de 10 % dans les 2 cas. Car le Baclofène n’est pas destiné au sevrage, une tâche dont s’acquittent fort bien les benzodiazépines, avec le gros inconvénient de risquer de remplacer une addiction par une autre. Il est censé réduire l’assuétude à l’alcool et permettre une consommation occasionnelle sans retomber dans une prise compulsive de doses excessives. C’est là où le bât blesse. Ce rêve de tout alcoolique, le plaisir sans la faute, est bien souvent l’ultime défense pour éviter de prendre la décision d’abandonner ce mal délicieux, que tout condamne et dont il ne peut pas se passer. Mon intime conviction est que c’est là le nœud du problème. Le Baclofène peut être un instrument de plus dans l’arsenal thérapeutique, et probablement très utile, mais il ne peut en aucun cas se substituer au libre arbitre de l’individu. Il me parait illusoire de croire à la guérison d’une dépendance sans une participation active et volontaire du patient.