Les dieux sont tombés sur la tête

Bernard Cazeneuve s’est rendu à Calais pour la 7e fois la semaine dernière. Il a promis de démanteler ce qui reste de la jungle en procédant par étapes et de répartir les migrants sur l’ensemble du sol français. On ne peut pas douter de la bonne volonté ni même de la constance du ministre de l’Intérieur, mais force est de constater que la situation sur place ne s’est pas améliorée et qu’elle a même empiré ces derniers mois. La surface du gigantesque bidonville près de Calais a bien été divisée par deux, mais le nombre de réfugiés n’a cessé d’y augmenter pour atteindre 7 à 10 000 personnes selon les sources.

Comme souvent, les mythes de l’antiquité illustrent assez bien le propos. Les efforts de Bernard Cazeneuve et des autres acteurs de cette tragédie grecque font penser à ceux de Sisyphe, condamné par les dieux à rouler sans fin une énorme pierre jusqu’au sommet d’une colline sans jamais pouvoir atteindre son but, et devant recommencer son travail depuis le pied chaque fois que le rocher y retombe. À moins que l’on préfère évoquer le fameux tonneau des Danaïdes, qui se vide au fur et à mesure que l’on tente de le remplir, comme un puits sans fond. Le ministre a annoncé la création de 2000 places d’hébergement et 6000 places en centres d’accueil, ce qui suffirait tout juste à reloger les migrants agglutinés dans le Calaisis et ne permettrait en rien de reloger les nouveaux arrivants qui ne manqueront pas de se présenter. La dernière fois que la France a tenté de résoudre le problème en démantelant les installations existantes, c’était à Sangatte, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, avec l’insuccès que l’on sait.

Le même Nicolas Sarkozy qui veut maintenant dénoncer les accords bilatéraux avec la Grande-Bretagne, qu’il a pourtant signés de sa main, pour remettre la frontière anglaise à sa place, c’est-à-dire à Douvres. Pourquoi pas ? Mais que ferons-nous des milliers de migrants refoulés par l’Angleterre ? À l’évidence, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une recherche de solutions d’intégration et nous devrions nous y mettre sans délai, tant la situation ne cesse de se dégrader. Actuellement, les candidats à l’entrée en Grande-Bretagne se retrouvent dans la position du malheureux Tantale, lui aussi condamné par les dieux de l’Olympe à contempler éternellement un fleuve qui s’éloigne quand on veut boire de son eau et des fruits dont les branches sont inaccessibles. Quels crimes ces pauvres gens ont-ils pu commettre pour déclencher ainsi le courroux divin ? Ne sont-ils pas les victimes innocentes de notre indifférence et de notre égoïsme ?