Le bouton de guêtre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 2 août 2016 10:22
- Écrit par Claude Séné
Le débat sur l’armement des policiers municipaux a été relancé par les récents attentats terroristes de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray. Un maire Les Républicains a justifié sa décision d’armer sa police en se référant explicitement au massacre de la Promenade des Anglais, précisant que si un camion fou s’élançait dans les rues de sa ville, il comptait sur les révolvers des policiers municipaux pour l’arrêter. On se pince, mais sans succès. Autant l’organisation des fêtes de Bayonne semble avoir tenu compte raisonnablement de ce risque en empêchant l’accès des trottoirs et de certaines zones par l’installation de blocs de béton, autant le lien entre objectif et moyens parait ici totalement surréaliste.
L’augmentation du risque doit à l’évidence amener les autorités à réévaluer les dispositifs de sécurité et, dans certains cas, peut obliger à annuler des manifestations, mais les mesures doivent être proportionnées à la menace, et répondre à des critères d’efficacité. Quand le maréchal Le Bœuf, ministre de la Guerre de Napoléon III, déclarait en 1870 que nous étions prêts et archiprêts et que la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats, il démontrait involontairement le décalage entre l’illusion et la dure réalité qui allait entraîner la capitulation de l’armée impériale à Sedan. Dans la forme de guerre qui nous oppose au terrorisme, nous avons toujours, comme dans l’histoire des conflits franco-allemands, un coup de retard. Quand nous avons construit la ligne Maginot, nous n’imaginions pas que les Panzers pourraient la contourner au mépris des lois de la guerre en violant la neutralité des pays voisins. Nous étions préparés à une guerre de position, comme en 14-18, et nous avons eu une guerre de mouvement.
De la même façon, l’ennemi terroriste change de méthode et s’adapte beaucoup plus vite que nous aux circonstances. Armer les policiers municipaux ne changera pas grand-chose à cet état de fait, sinon à démontrer à la population que l’on agit. Si l’on devait suivre cette logique de surenchère, il faudrait également armer les prêtres catholiques et installer des herses sur le parvis des églises ainsi que devant toutes les cibles potentielles, notamment les écoles. Ce serait passer de l’état d’exception à l’état de siège, avec tous les risques de dérapage que l’on imagine. Il est évidemment plus facile de hurler avec les loups en demandant toujours plus de présence policière, toujours plus d’incarcérations, toujours plus d’expulsions, afin de se faire élire sur le plus vieux ressort du monde, la peur. À cet égard, Front national et terrorisme sont l’avers et le revers d’une même pièce.