Le shérif ou le juge

Volkswagen va devoir indemniser les consommateurs américains qui ont acheté des modèles de véhicules équipés du fameux logiciel destiné à truquer la mesure des émissions de polluants. La marque allemande va dépenser environ 16 milliards de dollars pour les 480 000 propriétaires qui ont subi le préjudice. En revanche, sur les 11 millions de véhicules vendus par le groupe de par le monde, et en particulier en Europe, aucune indemnisation n’est prévue, et la mise aux normes des véhicules n’est même pas encore complètement effectuée. Conséquence d’un rapport de forces inégalitaire sur les différents marchés ? Oui, mais pas seulement.

Dans le même ordre d’idées, le fabricant de meubles suédois, Ikea, rappelle 36 millions de commodes aux États-Unis et au Canada, mais pas en France, après le décès de plusieurs enfants, consécutif à la chute du meuble. Pareillement, une entrepreneuse américaine a obtenu une indemnisation de 10 000 dollars de la part de Microsoft, car elle s’est retrouvée avec une mise à jour non désirée de son ordinateur professionnel vers la dernière version de Windows, qui l’a « plantée » et privée de son activité pendant plusieurs jours. Si la même mésaventure vous est arrivée, vous pouvez toujours essayer de réclamer, mais, bon courage ! C’est que la réglementation américaine et celle en vigueur en Europe, en particulier en France, reposent sur des principes très différents.

Prenons l’exemple des médicaments. Chez nous, un médicament doit passer une série de tests très sévères avant d’obtenir son autorisation de mise sur le marché. Aux États-Unis, les procédures préalables sont simplifiées, mais un consommateur peut facilement se retourner contre le laboratoire et demander des dommages et intérêts si le produit ne se révèle pas efficace, ou même s’il est nuisible. Dans notre cas, c’est le shérif et donc la loi qui prime, tandis que chez eux, c’est le juge. Ou du moins, le risque judiciaire. Très peu de ce type d’affaires fait effectivement l’objet d’un procès. Volkswagen a préféré accepter une transaction « amiable », bien que très coûteuse, plutôt que de risquer un procès encore plus onéreux. Ces traditions font des États-Unis un pays extrêmement procédurier, avec tous les aléas que cela suppose. Les avocats y gagnent très bien leur vie, mais les justiciables ne peuvent espérer avoir satisfaction que si l’entreprise mise en cause est susceptible de payer de grosses sommes, sur lesquelles ils prélèveront des pourcentages confortables. Si je leur envie les véritables actions de groupe qui manquent encore à notre arsenal judiciaire, je préfère toujours une protection a priori, celle du shérif plutôt que celle du juge.