La fièvre et le thermomètre

Emmanuel Macron semble avoir enfin compris que sa place était d’être aux côtés de la population mahoraise, contrairement à son Premier ministre qui a le plus grand mal à justifier sa bourde du conseil municipal de Pau où il s’est rendu sans la moindre nécessité. Depuis sa bévue, une véritable faute politique qui hypothèque déjà la suite de la lourde tâche qu’il a obtenue aux forceps, il essaie de se défaire de ce papier adhésif qui lui colle aux doigts comme le capitaine Haddock. Le débat sur le cumul des mandats, dont le public n’a strictement rien à faire en ce moment, masque mal le nombrilisme du personnage.

François Bayrou ira certainement lui aussi à Mayotte, parce que ce sera un passage obligé, mais n’en tirera aucun avantage, car il arrivera nécessairement trop tard désormais. Quant au ministre de l’Intérieur démissionnaire candidat à sa propre succession, Bruno Retailleau, il semble plus préoccupé par le maintien de l’ordre, avec un couvre-feu destiné à éviter les pillages, que la mise à l’abri de la population qui a perdu le peu qu’elle avait dans la catastrophe. La députée LIOT de Mayotte, Estelle Youssoufa, a dressé un inventaire non exhaustif des difficultés qui traversaient déjà l’archipel avant le passage de Chido. Elle faisait ainsi allusion au sous-équipement endémique de l’île : manque de tout, coupures d’eau, d’électricité, manque de médecins et insuffisance du seul hôpital pour faire face aux épidémies comme celle du choléra. Sans oublier l’habitat insalubre avec des cabanes de fortune formant de grands bidonvilles qui n’ont évidemment pas résisté au cyclone. Sur le constat, on ne peut qu’être d’accord sur la nécessité de mettre en place une forme de plan Marshall pour redresser la situation.

Là où il est plus difficile de la suivre, c’est quand Mme Youssouffa défend la poursuite d’une politique d’exclusion des immigrés commencée en 2023 avec l’opération Wuambushu, reprise en main en mahorais, suivie d’un 2e épisode en 2024, consistant à détruire les cases litigieuses, sans pouvoir reloger tout le monde, ni expulser tous les irréguliers. Ce ratissage est supposé également faire baisser la criminalité, ce qui est loin d’être démontré. À l’appui de ses thèses, Estelle Youssoufa fait état d’une population de près d’un demi-million d’habitants, dont une grande partie serait dans l’illégalité, alors que les chiffres couramment admis sont de 321 000 personnes en 2024 et environ un tiers d’immigrés sans titre de séjour. Cette inflation des statistiques est destinée à surévaluer le poids de l’immigration pour justifier des mesures d’exception, à la manière du collégien qui frotte l’embout du thermomètre pour faire monter artificiellement la température, et qui finit parfois par casser l’instrument de mesure, faute de pouvoir agir sur la cause de cette fièvre tenace.